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PAR_DESSUS LE PERIPH’ | Les jardins ouvriers

 

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Mon lopin de terre qui aère

Aux portes du 13e, des milliers de citadins cultivent quelques ares de terre loués par les collectivités locales ou des propriétaires privés. Depuis quelques années, ces jardins familiaux connaissent un succès grandissant, au point d’avoir essaimé dans la capitale.

Après des mois de gel et de grisaille, le beau temps est enfin revenu. Les jardiniers aussi. À quelques pas des pelouses soigneusement tondues et des aires de jeu pour enfants, les 85 parcelles de jardins familiaux du parc départemental des Hautes-Bruyères, à Villejuif, portent la marque des premiers travaux du printemps. Sur certaines, les mauvaises herbes ont disparu et de minuscules salades s’alignent au cordeau sur des plates-bandes fraîchement binées. Tulipes et jonquilles s’épanouissent le long des clôtures. Le chant des oiseaux fait presque oublier le bourdonnement de l’autoroute toute proche. Sous un soleil de plomb, Christian retourne la terre. Menuisier, il vient à ses heures perdues faire pousser carottes, courgettes et pommes de terre. Il loue sa parcelle depuis cinq ans pour 273€ annuels, eau comprise. Le terrain appartient au département du Val-de-Marne, qui le met à disposition des jardiniers via une association.

L’idée n’est pas neuve. C’est à la fin du 20e siècle que l’abbé Jules-Auguste Lemire, député et maire d’Hazebrouck, en Flandre française, décide de créer des jardins ouvriers dans tout le pays. Pour ce républicain imprégné des doctrines du catholicisme social, fournir un coin de terre aux prolétaires urbains est un bon moyen de les éloigner des cabarets, donc de l’alcoolisme, et de l’air vicié des villes, tout en leur permettant d’améliorer leur alimentation.

3 000 aspirants et plusieurs années d’attente

Un siècle plus tard, la classe ouvrière et les cabarets sont en déclin mais les jardins, rebaptisés « familiaux », fleurissent encore. La France en compterait environ 15 000, chiffre incertain étant donnée l’absence de recensement et la variété des structures gestionnaires : associations indépendantes, services municipaux ou départementaux, particuliers... « Leur nombre est en tout cas en augmentation, affirme Hervé Bonnavaud, président de la Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs, qui chapeaute une foule d’associations et administre directement 3 500 parcelles en Île-de-France, les propriétaires de terrain, collectivités locales ou bailleurs sociaux nous sollicitent régulièrement pour créer de nouveaux espaces. La demande est très forte de la part des habitants. » Forte à tel point que, bien que les différents jardins soient souvent réservés aux populations riveraines, il faut plusieurs années avant d’obtenir une parcelle. Trois mille noms se bousculent sur la liste d’attente de la fédération. Dans la file, les retraités font peu à peu place à des quadras et quinquas, tandis que la proportion de femmes est en hausse.

« Le jardinage soigne les maux »

Quelles sont les raisons d’un tel engouement ? La volonté d’améliorer l’ordinaire en plantant des patates est depuis longtemps passée au second plan, « même si, tempère Hervé Bonnavaud, la crise nous a amené beaucoup de demandeurs qui veulent faire du potager pour se nourrir ». À la quantité, de toute façon difficile à obtenir pour un amateur, les jardiniers préfèrent la qualité. « Ça ne change pas grand-chose à notre budget nourriture, témoignent ainsi Christian et Isabelle, qui viennent depuis trois ans, parfois avec un de leurs fils, cultiver oignons, tomates, salades ou échalotes, ce qui nous plaît, c’est de savoir d’où vient ce qu’on mange. On essaye de ne pas traiter. Mais nous sommes surtout là pour changer d’air. Le week-end, on fait des barbecues en famille. »

S’aérer le corps et l’esprit, sortir un peu de la ville et de son quotidien trépidant, voilà la motivation principale des cultivateurs, dont beaucoup n’ont même pas de balcon. « Quand j’ai passé l’hiver à la maison, ça me fait du bien de revenir ici », avoue Marc, qui manie encore la binette à 88 ans, même si ça commence à faire mal.  « Le jardinage fait faire de l’exercice et soigne les maux liés à la sédentarité, comme le stress et la déprime », précise pour sa part Hervé Bonnavaud.

C’est aussi un excellent moyen de créer du lien social. « Mettez deux personnes dans un jardin, elles se mettent tout de suite à discuter culture », s’amuse Serge, un ancien. La solidarité se tisse rapidement entre voisins de rangée qui s’échangent bons plans et productions excédentaires. Enfin, le jardin familial participe au développement de la diversité et à la promotion de l’écologie. La fédération nationale a d’ailleurs en ce sens rédigé une charte du jardinage et de l’environnement et forme ses adhérents à la culture bio, à l’utilisation du compost ou à la protection des insectes.

[...]La suite dans Le 13 du Mois #29

Publié par Jérôme Hoff  le 07 Mai 2013
 

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