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DOSSIER | Les grandes affaires criminelles du 13e

 

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Le crime, ça fait causer. Lançons le sujet dans un bistrot qu’on connaît bien, au comptoir. Pas le temps de touiller son café qu’on a de l’info : « Tous les gangsters sont passés dans le 13e », lance l’homme au pastis, aussitôt repris par sa voisine : « C’est la mère d’une copine à qui c’est arrivé : elle était à un feu rouge et s’est faite arrêter par Mesrine quand il s’enfuyait de prison. Il voulait qu’il l’emmène loin. » La dame à la voiture s’est exécutée, plutôt deux fois qu’une. « Si elle pouvait rendre service... » On note, au cas où. « Y’a un mec qui s’est fait descendre là, tout à côté, en rentrant chez lui, on sait pas trop dans quoi il trempait... » Qui, où, quand ? Il trempait et il est mort, c’est tout. Merci pour le tuyau. À côté : « Pas plus tard qu’hier, un papys’est fait bousculer et voler la totalité de sa retraite, qu’il venait de retirer en liquide. Franchement, voler un petit vieux... » Soupirs. La proprio remplit un verre, et enchaîne : « Sinon y’a un autre truc, je peux pas trop en parler mais je note le nom sur ton carnet, tu feras tes recherches. » Une histoire de séquestration dans le milieu homosexuel impliquant un type dont la mère vit dans le 13e... Au final, un paquet d’informations invérifiables, mais comme il est amusant d’entendre le vrai se mêler au rapporté, au fantasmé, au déformé. Comme il est plaisant de voir que sur un tel sujet tout le monde a son mot à dire.


Dans ce dossier, nous abordons les grandes affaires, celles qui ont fait parler au-delà d’un bistrot, d’un quartier et même d’un arrondissement. Ces événements ont certes eu un retentissement national, mais ils ont eu lieu ici, dans cette rue, sur cette place, dans cet immeuble. Quid, alors, des petites histoires, des petits faits divers qui ne sont jamais devenus des « affaires » ? Nous en avons dégoté un paquet. Saviez-vous, par exemple, que c’est à l’angle de l’avenue des Gobelins et du boulevard Saint-Marcel que Guillaume Seznec, ancien bagnard accusé de la mort de Pierre Quémeneur dans un procès qui n’a jamais vraiment réussi à prouver sa culpabilité, a été renversé par une voiture qui causa quatre mois plus tard sa mort, en 1954 ? Qu’un des truands du gang des Lyonnais a été retrouvé criblé de balles dans le coffre de sa voiture avenue de Choisy en 1975 ? Qu’une femme a jeté son bébé dans une poubelle rue Jeanne d’Arc en 1987 ? Pour le reste, autant écouter les fables des voisins.

 

La bergère d’Ivry, le crime qui marqua le 19e siècle

Nous sommes le 25 mai 1827. Un vendredi. Il est environ 15 heures. Aimée Millot, jeune domestique de 19 ans, marche en direction d’une graineterie de l’avenue d’Ivry, où sa maîtresse, Mme Detrouville, l’a envoyée faire une course. Elle n’est pas dans le 13e arrondissement, qui n’existe pas encore. À l’époque, le territoire de Paris s’arrête à la barrière de l’octroi, où sont taxées les marchandises qui entrent en ville. L’enceinte suit le milieu des actuels boulevards Auguste-Blanqui et Vincent Auriol. Au-delà, ce sont les communes d’Ivry et de Gentilly, séparées par l’avenue de Choisy. C’est la campagne. Il y a des champs dans lesquels Aimée Millot vient faire paître les chèvres de sa patronne. Au nord, c’est le 12e arrondissement et les anciens faubourgs Saint-Marcel et Saint-Jacques. Peuplés d’ouvriers et d’artisans pauvres, ces quartiers semi-urbanisés décrits par Victor Hugo dans Les Misérables, sont en proie à la violence et à la délinquance. Des « foyers d’infection »(1), comme dit le docteur Parent-Duchâtelet, chantre de l’« hygiénisme ».

Amours contrariées

C’est en marge de ce cloaque, vers le boulevard des Gobelins, qu’Aimée croise Honoré-François Ulbach, 20 ans, qui travaille comme domestique chez un marchand de vins. Elle ne lui adresse pas la parole. Elle le connaît pourtant : les deux jeunes gens ont vécu une idylle passionnée, qui s’est arrêtée brutalement quelques mois plus tôt. Mme Detrouville, par peur du qu’en-dira-t-on, lui a demandé de choisir entre l’amour et son travail. Orpheline, Aimée ne pouvait se retrouver sans emploi. Elle a promis de rompre et a rendu ses cadeaux à Ulbach. Depuis, le caractère du jeune homme est « triste et sombre (3) ». Il s’est pris de passion pour les comptes rendus des audiences du tribunal. Un jour, il a même déclaré à un ami : « Je crois que je finirai sur l’échafaud (4). »

[…]

 

Lire la suite dans le 13 du Mois # 38

 

 

Publié par Virginie Tauzin, Jérôme Hoff, Philippe Lesaffre  le 11 Mars 2014
 

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