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DOSSIER | Quand le 13e était ouvrier

 

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Avant Paris Rive Gauche, avant Chinatown, les Olympiades et Italie 2, le 13e était industrieux. Les usines et ateliers de toutes tailles y prospéraient. Ses rue et cafés étaient fréquentés par des milliers d’ouvriers. Un passé pas si éloigné que cela mais dont les traces ont en grande partie disparues.

Quelques  chiffres valent parfois mieux qu’un long discours : en 1954, alors même que certaines usines sont déjà sur le départ, près de 40% des actifs du 13e sont des ouvriers. Parmi eux, 17,6 % sont des ouvriers spécialisés (OS) ou des manœuvres, et 21,3 % sont contremaîtres ou ouvriers qualifiés, soit un peu plus que la moyenne de la capitale. Comme ses voisins les 11e, 19e et 20e , le 13e arrondissement est un territoire franchement industriel.

Il l’était avant même d’exister. En 1860, quand Paris s’agrandit en arrachant les quartiers Glacière et Maison-Blanche à Gentilly et le quartier de la Gare à Ivry, le faubourg Saint-Marcel suffoque déjà dans les effluves des tanneries, mégisseries et teintureries, qui polluent la Bièvre. À part la manufacture des Gobelins, on est encore très loin de l’industrie de masse.

Sur les berges de la Seine en revanche, plusieurs fabriques « modernes » ont planté leurs cheminées. La première serait la verrerie Saget, dont l’existence est attestée peu après la Révolution. Installée sur l’actuel quai de la Gare, elle profite de la proximité du fleuve, qui transporte le bois qu’elle brûle dans ses fourneaux. Dans ce paysage encore très campagnard, d’autres usines fabriquent de la céruse, de la mélasse, de la gélatine… En 1832, Louis Say rachète la raffinerie de sucre créée sept ans plus tôt sur l'ancien chemin d'Ivry (le futur boulevard de la gare). Son entreprise, aussi célèbre pour la dureté de ses conditions de travail (lire p 29) que pour ses œuvres sociales, produira du sucre en morceaux jusqu’à la fin des années quarante. Monique Bouche, qui habite encore le quartier, se souvient de ses murs « noirs et laids ». Toujours au rayon « alimentaire », l’arrondissement a aussi abrité pendant des années la chocolaterie Lombart, avenue de Choisy et les Grands Moulins de Paris près de la Seine.

LA PREMIERE USINE AUTO AU MONDE

Durant la seconde moitié du 19e siècle, révolution industrielle oblige, les usines débarquent en force, surtout dans les quartiers Gare et Maison Blanche. L’embarcadère de la Compagnie des chemins de fer d’Orléans, future gare d’Austerlitz, et les terrains pas chers attirent les patrons qui ont besoin de place pour leurs nouvelles activités. C’est le temps de la métallurgie et de la mécanique. En 1874, la société de machines à bois Périn-Panhard achète une grande parcelle du côté des avenues de Choisy et d’Ivry et du boulevard Masséna. À cette époque, il n’y a là que des friches et quelques masures. En 1891, devenue Panhard-et-Levassor, la société crée une voiture équipée d’un moteur Daimler et ouvre la première usine d’automobiles à pétrole du monde au 16 de l’avenue d’Ivry. Ses ateliers emploieront jusqu’à 6 000 ouvriers (lire par ailleurs).

Peu de temps après Panhard, en 1894, Emile Delahaye, ingénieur-mécanicien qui a travaillé dans le matériel ferroviaire, se lance lui aussi dans l’automobile. Au 10 rue du Banquier, jusqu’à 2 000 employés construisent des voitures, des charrues, des véhicules pour l'armée et du matériel d'incendie, dont la marque Delahaye a le monopole pendant cinquante ans.

Autour de ces grosses entreprises s’agglutine toute une armée de sous-traitants, petits ateliers de métallurgie, de pièces de précisions, de mécanique, de carrosserie qui font travailler toute une autre armée d’ouvriers.

DES FLEURONS DE L’ÉLECTROMÉCANIQUE

À l’aube du 20e siècle, le 13e voit arriver des entreprises spécialisées dans les technologies de pointe, qui emploient des ouvriers plus qualifiés. Boulevard Kellermann, La Société industrielle des moteurs Le Rhône, bientôt Gnôme-et-Rhône, façonne des moteurs d’avion dès 1910. Le vacarme de ses bancs d’essais est tel, qu’il résonne dans tout le quartier. En 1945, elle est nationalisée. Renommée Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation (SNECMA), elle va jouer un rôle important dans le développement de l’aviation civile et militaire française. L’Association des ouvriers en instruments de précision (AOPIP), créée en 1897 dans le 14e arrondissement, ouvre, elle, des ateliers rue Charles-Fourier dix ans plus tard. Elle y fabrique des téléphones, des centraux téléphoniques, des appareils de mesure. Fait rarissime à l’époque : c’est une coopérative, gérée par ses employés et donc fortement en avance sur les questions sociales. Une caisse de retraite existe dès 1917, des congés payés sont versés dès 1926 et indemnité maladie à partir de 1930 !

En 1932, La Société d’application téléphonique (S.A.T) commence à fabriquer des câbles téléphoniques pour le compte des PTT. Rachetée par SAGEM en 1939 et renommée Société anonyme de télécommunications, elle s’étale progressivement tout au long de la rue Cantagrel, au 41, au 16, au 32, et au 58 pour y produire du matériel de transmission. Après la guerre, elle s’intéresse aux faisceaux hertziens, rachète l’entreprise Jean Turk, spécialisée dans le guidage par infrarouge et les engins de défense et travaille pour l’aérospatiale.  À son apogée, elle emploiera jusqu’à  3 300 personnes.

Des exemples comme ceux-là, il y a plein d’autres : Thomson, Philips, etc. Impossible de les citer toutes, tant chacune de ces entreprises, des mastodontes aux plus petites, mériterait un livre à elle seule.

 

[...] Lire la suite dans Le 13 du Mois 44

 

Publié par Administrator  le 10 Octobre 2014
 

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