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POLITIQUE | HLM, le PS local pris la main dans le sac

 

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Après la droite, les communistes, l'UDI et les Verts, nous devions parler ce mois-ci du PS, de sa domination dans le 13e depuis des années. Oui, mais voilà, l'actualité révélée par Le Point - que neufs actuels ou anciens collaborateurs du maire Jérôme Coumet bénéficient de logements sociaux - a un peu bouleversé nos plans. Une info somme toute révélatrice du contexte socialiste local.

S'il y a bien une chose que de tous bords politiques on partage, c'est la capacité - et la tentation - à piocher dans le logement social pour son entourage ou soi-même. Le Point a révélé fin mars le cas de neuf proches de Jérôme Coumet, anciens ou actuels collaborateurs. Parmi les personnes en poste, Sophie Zeghlache, chargée de mission aux affaires sociales, Laure Rochette, à la jeunesse et aux sports, Dominique Painvain, à la communication, Sevan Bagla, aux affaires scolaires. Parmi les « ex », Sébastien Roy et Sophie Chollet-Lefebvre, ex-chefs de cabinet, Benjamin Cros, ancien chargé de mission habitat, Sarah Damagnez, ex-affaires sociales, et Sylvestre Piriot, au cabinet de 2005 à 2009.

 

Leurs logements sont majoritairement des « PLI », le haut de gamme des HLM, destinés aux personnes justifiant de revenus annuels entre 41 629 euros et 119 340 euros, loués jusqu’à 60 % moins cher que dans le privé. N'est-ce pas surprenant qu'autant de proches de Jérôme Coumet soient concernés ? Ont-ils attendu aussi longtemps pour obtenir leur logement que la plupart des Parisiens, soit près d’une décennie ? Pour le maire, ils n'ont pas bénéficié de traitement de faveur, et en aucun cas de sa part. « Seuls quatre travaillent actuellement avec moi, et deux d’entre eux ont obtenu leur logement depuis que je suis élu, souligne-t-il. Quand j'embauche quelqu'un, je ne lui demande pas d'être propriétaire. Je n'y vois aucun problème moral ou légal. »

 

« UN PETIT COUP DE MAIN »

La plupart des élus PS interrogés nous ont répondu les mêmes éléments de langage : « Ils y ont droit comme tout citoyen », « ils remplissent les critères », « ils travaillent beaucoup, sont peu rémunérés ». Anne-Christine Lang, ancienne adjointe, devenue députée, développe : « Ils gagnent peu – 2000 € par mois -, travaillent beaucoup, le soir, le week-end. Cela me choquerait s'il s'agissait d'appartements de 150 m² ou de HLM PLA [très sociaux, ndlr], mais on parle là de logement intermédiaire. C'est un petit coup de main ». Un coup de main dont aimeraient sans doute bénéficier des milliers de Parisiens...

 

Qui est la taupe ? « Une personne qui ne nous veut pas du bien », lâche Jérôme Coumet, qui soupçonne un « contre-feu préventif » d'adversaires politiques. Un élu du conseil évoque lui « une origine des fuites au sein du PS, dans le but de dénoncer le système Le Guen. » Sont souvent « récompensés » les camarades de la section affiliée au secrétaire d’État aux relations avec le Parlement. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le PS local n'est pas vraiment inquiété. Cette affaire pourrait être du pain bénit pour l'opposition. Assez étrangement, nous n’avons pas trouvé grand monde pour s'en émouvoir. « Certains appartements étaient déjà très clairement attribués avant de passer entre nos mains », a raconté l'UMP Jean-Baptiste Olivier au Point de ses souvenirs de commission d'attribution des logements (CAL). Contacté par nos soins, l'élu UMP s'avère bien moins loquace. Tout juste lâche-t-il que ce n'est « pas vraiment une  surprise ». Édith Gallois, conseillère de Paris UDI, parle de révélation « choquante pour une mandature qui s'est targué de l'établissement d'un code déontologique et les Parisiens qui vivent dans la précarité ». Pour autant, ni elle, ni lui ne s'est manifesté lors du dernier conseil d'arrondissement, quelques jours seulement après la publication de l'article. Un peu pris de court, sans doute aussi mal à l'aise avec la situation de Patrick Trémège lui-même en logement social. « J'ai du mal à faire du théâtre », justifie Édith Gallois.

 

« COUMET, DÉMERDE-TOI ! »

Quand on insiste, les langues se délient. Jean-Baptiste Olivier accuse la majorité actuelle de distribuer du logement social à tout va dans certains quartiers, comme à Paris Rive Gauche, dont le vote aurait basculé. « C'était autrefois un bastion de Jacques Toubon, on n'y recueille aujourd'hui plus que 15 % des voix. » C'est au final les Verts, par la voix d'Yves Contassot, qui se sont faits les plus mordants : « Serge Blisko [prédécesseur de Jérôme Coumet, ndlr] avait l'habitude de répéter qu'il n'y a rien d'anormal à loger ses amis », a-t-il raconté dans Le Point. L'écolo a longtemps siégé à la CAL. « On nous soumettait trois dossiers pour chaque logement. Mais on ne savait pas comment et par qui ils avaient été présélectionnés. Je ne peux pas assurer qu'il y avait triche, mais un manque de transparence, oui », dénonce-t-il. Face à cette « opacité », l'homme a décidé ne plus y siéger en mars 2014.

 

Si cette affaire gêne les socialistes, c’est un peu plus haut que ça se passe. « La loi ne donne aucun droit de regard sur les attributions des maires d’arrondissement », exprimait le cabinet d’Anne Hidalgo au Parisien. « Une manière de dire : "Coumet, démerde-toi !" », rigole un élu. Alors, comment éviter ce genre d'affaire ? Yves Contassot prône l'anonymat total des dossiers. L'UDI Edith Gallois propose au contraire de revenir dessus, « de jouer la transparence, afin de savoir qui attribue tel logement à qui ». Elle trouve « compréhensible que l'on puisse avoir des facilités quand on travaille beaucoup sur le terrain, mais il faut que l'on en discute, que ça se sache ». En attendant, la Mairie centrale, qui tente de mettre fin aux petits arrangements entre amis et « HLM de complaisance », veut étendre aux vingt arrondissements le système de points - ou scoring - pour l'attribution des logements sociaux. Ironie de l'histoire, le 13e en est l'un des lieux d'expérimentation.

 

 

Publié par Philippe Schaller  le 20 Avril 2015
 

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