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DOSSIER SEXE | La prostitution chinoise en pleine expansion ?

 

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Les témoignages abondent, la police et la municipalité s’agitent. La prostitution chinoise, encore inexistante dans le 13e voilà deux ans, deviendrait problématique. Le 13e est-il devenu le nouveau Belleville ? Ou s'agit-il au contraire d'un épiphénomène monté en épingle ? Reportage.

 

Le sujet pourrait faire figure de marronnier. L'année passée, Le 13 du Mois avait tiré parti des tournées municipales de rentrée pour découvrir l'humeur chagrine des habitants du sud du 13e. À l'époque, on se plaignait de l'irruption d'un phénomène alors inconnu : les parties de jambes en l'air des prostituées chinoises sous le plancher des résidents des Olympiades (1). Plus précisément, les faits, très glauques, se déroulaient dans les entrailles de la tour Tokyo, l'édifice le plus méridional du grand ensemble.

Là, certaines caves délaissées par leurs propriétaires avaient été meublées d'un matelas et de quelques bougies pour les besoins de cette activité naissante dans l'arrondissement. Lesdites caves furent repérées par les gardiens, vidées puis scellées. Fatalistes, les cerbères de ces tours d'habitation gigantesques gageaient que leurs efforts n'aient pour effet que de déplacer le problème un peu plus loin. Ils estimaient que le phénomène s'étendrait de l'autre côté de la rue, dans cet autre ensemble de tours situé entre les portes d'Ivry et de Choisy connu sous le nom de « Vénétie-Villa d'Este ». Bingo.

 

Bis repetita

Depuis quelques mois, il est en effet question d'une prolifération de la prostitution dans ce quartier. Localisé de part et d'autre du centre commercial Masséna 13, l'ensemble a un petit air de Hong Kong. Dans chacune des tours, les occupants d'origine asiatique représentent 50 à 90% des résidents. L'Extrême-Orient est partout avec ces enfants qui s'égayent dans les allées tortueuses à l'ombre des bâtiments de trente étages ou cette foule de piliers de bistrot et autres joueurs de PMU qui s'agrègent dans la galerie marchande faisant office de centre-village. Et avec ça donc, les prostituées.

Il y a des « marcheuses » à la façon de Belleville qui racolent à même la rue, d'autres qui proposent des massages en laissant leur numéro de portable sur les murs du magasin Paris Store. Toutes officient dans les parages, que ce soit dans les parkings souterrains, en appartement ou dans les caves.

À en croire les figures locales, l'épiphénomène est allé s'amplifiant depuis le début de l'année. C'est à la faveur d'une réunion de rue que nous avons pu prendre la température. Le 29 octobre, le maire du 13e assisté du commissaire avaient invité les curieux à venir les rencontrer pour discuter sécurité. Ce genre de réunion à même le pavé est une innovation de l'édile. Pour l'occasion, l'initiative un brin démago - il fallait voir la trentaine de badauds se pressant autour des hautes personnalités, tentant d'entendre ce qui se racontait - visait à assurer les plus furax des résidents de la pleine considération des services concernés.

Pour cause, on apprendra de la bouche du commissaire adjoint Vincent Lafon qu'un coup de filet a eu lieu la semaine du 21 octobre. Une dizaine de prostituées ont ainsi été arrêtées, nettoyant partiellement les avenues de Choisy et d'Ivry. Le dossier figurait selon lui « au-dessus de la pile ». « Regardez autour, c'est clean », nous dira-t-il ce soir-là, englobant du regard l'avenue de Choisy. Le lendemain, avenue d'Ivry, nous serons abordé par l'une d'entre elles alors que nous attendions l'arrivée d'une autre, contactée par téléphone (voir en encadré le récit de cette rencontre)…

Réaliste, le flic convenait que l'opération ne leur « donnait pas beaucoup de billes ». Comprendre qu'il ne s'agissait là nullement du démantèlement d'un réseau mais de femmes agissant isolément. Rien d'autre qu'un coup d'arrêt très ponctuel à de la « prostitution de misère », qui aura eu pour vertu d'adoucir l'aigreur des riverains.

 

Dans les tours, omerta à tous les étages

Un conseiller syndical était d'ailleurs tout prêt à tomber dans les bras du commissaire pour son action salutaire. C'est que le sentiment d'assister à une dégradation inexorable de la situation est vif, par ici. Les plus concernés sont ces copropriétaires en responsabilité dans leurs tours respectives. Ils forment une petite communauté de Blancs, souvent retraités, prompts à réagir et qui se sentent isolés au milieu de la marée asiatique. Laurent Miermont, l'adjoint local à la sécurité, confie d'ailleurs ignorer si la prostitution est en réelle augmentation ou si ce ne sont que les « signalements » qui s'amplifient. Mais, pour sûr, il y aurait un seul et même réseau derrière tout cela : « Vu le nombre de prostituées que l'on soupçonne, une quantité pas faramineuse, il ne peut pas y avoir trente-six réseaux. »

Reste que les présidents de conseil syndical ne minorent pas le phénomène. Sous couvert d'anonymat - un impératif absolu tant ils disent « craindre pour [leur] vie » ! -, deux d'entre eux nous ont livré quantité de témoignages. « Tiens, tu savais qu'il y avait un claque dans ton immeuble ? » demandera l'un des deux à son homologue. Ce dernier ignorait. En revanche, il rapportera avoir dû débarrasser six caves depuis le début de l'année, du jamais vu. Il nous montrera les étages où il soupçonne qu'habitent et officient les prostituées. En substance, elles recevraient chez elle en journée et, le soir venu, migrerait dans l'un des trois niveaux des caves communes, une fois les enfants de retour de l'école. Il poursuit : « Il y a trois semaines, j'ai appelé la BAC - ils sont à peine quatre à s'occuper du quartier - et ils les ont pris en flag'. Pour qu'ils puissent faire ça, il faut que je leur donne des badges. D'ailleurs, en début d'année, il faut que l'on vote en AG pour permettre l'intervention de la police dans les immeubles. Sans cela, rien à faire. C'est un point de l'ordre du jour que l'on essaie de ne pas oublier ! » Et puis, en dehors des caves et des appartements, il y a le parking souterrain qui relie les dix tours et rend possible le tapin. Cela se passe souvent dans des « vans aux fenêtres bouchées par un rideau ».

[...] La suite dans Le 13 du Mois #23

 

 

Publié par Jérémie Potée  le 12 Novembre 2012
 

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