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13e oeil | Techno-fumeurs 2.0

 

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On n’a pas fini d’en parler : la cigarette électronique, en vente libre, connaît en 2013 un succès commercial croissant. L’avenir dira s’il aura été éphémère, d’autant que les autorités nationales et européennes se penchent sérieusement sur la question. En attendant, petite virée dans la communauté des « vapoteurs » militants de Paris soudée par les liens du Web.

Ils sont parmi nous. Dans leur voiture, dans les parcs, en terrasse, il n’est plus rare de les croiser, la nuque courbée au-dessus d’une main protectrice, la paume repliée en coquille sur un long tube d’où s’échappent les volutes d’une fine buée. Cette vapeur d’eau nicotinée s’évapore presque trop vite pour l’apercevoir - en quelques secondes, plus trace du nuage ni de son odeur fruitée. Malgré la taille de leur machine à fumer, pareille à un beau barreau de chaise cubain, il faut avoir l’œil pour les repérer. Eux, ce sont les « vapoteurs », fumeurs du troisième type ancrés dans un futur anticipé.

Les vapoteurs s’émancipent

Lentement mais sûrement, ils tendent à sortir du bois pour former communauté. Si, à l’origine, ces habitués des patchs, chewing-gums et autres bonbons nicotinés se sont repliés sur la « e-cigarette », c’était dans une énième tentative pour se sevrer et échapper à la vindicte sociale. Honteux, ils usaient de leur tube à l’insu de tous, tels des malades en cure. Désormais, on peut les voir vapoter fièrement à l’intérieur même des cafés, avec l’assentiment de patrons complices et frondeurs ravis de s’engouffrer dans le vide juridique.

Ces e-cigarettes vendues dans le commercesgrand public n’étant pas assimilées aux produits du tabac, aucune des interdictions associées ne les concernent. Ni, par ailleurs, aucune taxe. Mais ce qui devait arriver arriva : depuis peu, la France et l’Union européenne songent à y mettre bon ordre (lire l’encadré). De quoi enflammer la communauté des vapoteurs, laquelle, en rangs resserrés, fourbit ses arguments, informe le public, se fait la prosélyte d’une pratique qu’elle juge inoffensive, efficace et jouissive. Car, une « e-cigarette », c’est un chouette joujou pour adulte que l’on peut assembler et désassembler comme un lego, remplir d’un « e-liquide » aux arômes mêlés. Ce bel enthousiasme consumériste aux accents libertaires fait bien l’affaire des revendeurs, dont les boutiques ne désemplissent pas.

« Un truc énorme »

C’est dans l’une d’entre elles, le Vapostore de la rue de Tolbiac, que nous croisons Thomas Schmerbach. Lui semble vivre un rêve éveillé. Avant de se mettre à la clope électronique, il y a trois ans déjà, il fumait trois paquets par jour et dépensait pour près de 700 euros par mois de tabac. Jusqu’à l’année dernière, c’était aussi un agent de sécurité mal dans son job. Un jour, cet habitué des commandes sur Internet et de ses forums spécialisés décide de venir voir ce que le magasin propose de beau. La visite s’étend l’après-midi durant. Il en ressort avec un nouveau métier, celui de vendeur de cigarettes électroniques. Pas bête, le patron a décelé à travers le bonhomme le moyen de pénétrer la communauté des vapoteurs experts, celle qui s’active sur le Web.

 

Intarissable, le vendeur parle avec des trémolos dans la voix de son dada - le monde des vapoteurs serait « un truc énorme ». Pour parler de l’objet qu’il tient entre les mains, prêt à nous faire goûter l’arôme « Sahara » qu’il contient - une base de tabac brun au goût de caramel - , il use d’un sabir d’expert. Ne dites plus e-cigarette, mais « mods », ne parlez plus de e-liquides, mais de « jus ». L’objet en soi est un assemblage de modules : un « kick » permet de modifier la puissance d’une batterie longue durée, un « tank » contient le liquide qui, chauffé par une résistance, irrigue une mèche qui diffuse la vapeur d’eau à travers un tuyau. Il est possible de bricoler le tout, de « mécher » ou fabriquer soi-même ses propres résistances et, bien évidemment, de composer ses propres mixtures de liquide. Si le cœur vous en dit, sachez qu’il vous faudra surtout du propylène glycol et de la glycérine végétale - on trouve le premier élément « dans les inhalateurs pour asthmatiques », le second étant « un extrait de plante », dira Thomas pour couper court aux soupçons de toxicité. Ajoutez un peu d’eau distillée, de l’alcool et, last but not least, un soupçon de nicotine. Mélangez le tout en y ajoutant l’arôme voulu, et le tour est joué… La variété des goûts ainsi obtenus est infinie. Quant à la nicotine, elle est indispensable à qui souhaite ressentir le pincement de gorge que procure une bonne vieille cigarette. Pour libérer le tout, il faut en inhalant appuyer sur un bouton, à relâcher aussi vite que l’on a terminé. C’est un coup à prendre, mais un geste essentiel pour économiser l’énergie de la batterie. Voici pour le b.a.-ba.

[...]La suite dans Le 13 du Mois #29

 


Publié par Jérémie Potée  le 06 Mai 2013
 

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