I
DOSSIER SEXE | À la rencontre des libertins du 13e

 

PDF Imprimer Envoyer

Décriés, incompris voire jalousés, les adeptes de l’échangisme sont à coup sûr méconnus. Le 13 du Mois a plongé dans l’univers d’un monde aux mœurs volages pour tenter de décrypter ses pratiques, ses codes, ses limites. Pudiques s’abstenir.

Totalement étrangers au sujet, plusieurs possibilités s’offraient à nous pour approcher le milieu libertin du 13e : nous rendre dans le seul club échangiste de l’arrondissement ou s’inscrire sur un des sites Web spécialisés. C’est par là que nous avons commencé. Premier constat, les sites de rencontres libertines pullulent sur le Net. Il a donc fallu se concentrer sur les trois plus populaires auprès de la communauté des « libernautes » : netchangisme.com, nouslibertins.com, idl-rencontres.com. Ils partagent avec les sites de rencontres traditionnels un souci esthétique approfondi, mais s’en démarquent par la teneur des annonces. Ici, pas de chichis, on n’est pas là pour rencontrer le grand amour, uniquement pour le sexe.


« Bonjour, voulez-vous venir chez moi ce soir ? »

Bien entendu, il a fallu ruser. Nous sommes devenus un jeune couple néophyte, avide de nouvelles expériences et ouvert à toutes propositions. Préambule obligatoire assez fastidieux, il faut remplir une quantité impressionnante de renseignements, de la couleur des yeux au signe astrologique. Si on reçoit ou si l’on préfère se déplacer. Et, bien sûr, ce qu’on pratique déjà et ce que l’on recherche.

L’annonce n’est pas postée depuis cinq minutes qu’afflue déjà une avalanche de messages, souvent le fait d’hommes seuls, largement majoritaires sur tous ces sites. On veut voir nos photos, discuter, nous rencontrer, nous initier. Grande surprise : même parfois très direct - « Bonjour, voulez-vous venir chez moi ce soir ? » -, le ton des messages est toujours cordial et respectueux. Tout de suite, nous ciblons les profils parisiens et expliquons notre démarche journalistique. Et là, collection de vestes, assez pour ouvrir un magasin. Certains s’offusquent de notre « mensonge » initial, et tous refusent catégoriquement de témoigner, même de façon anonyme.


Baiser, pas faire l’amour

Tous, sauf un. Pierre (1), cadre en informatique habitant du 13e, accepte une rencontre pour nous donner un aperçu de ce milieu dans lequel « il est difficile de rentrer, et [duquel] il est encore plus dur de sortir ». À 30 ans, il a déjà dix ans d’expérience dans le « nomadisme sexuel », en a exploré à peu près tous les recoins, parle sans pudeur de sa sexualité et n’est pas avare de détails. Il explique même avoir été dépendant : « Je n’y prenais plus de plaisir, j’avais trop besoin de mon shoot de sexe ! », avant de s’imposer pour quelques temps un sevrage salvateur.

Aujourd’hui, Pierre vit en couple avec une jeune femme pas libertine pour un sou : « Elle aime jouer mais on ne joue pas au même niveau. » Alors, pas question de changer ses habitudes. Environ deux fois par mois, il découche pour ses petites virées solo. « Elle s’en doute plus ou moins mais ne pose pas de questions. » Et il n’a pas l’impression de la trahir. Car Pierre n’accorde pas beaucoup de valeur à la fidélité « de corps », « pas naturelle, issue de la culture judéo-chrétienne » ; il lui préfère celle « de sentiment ». Il souligne ici un trait fondamental du libertinage : il y a sexe et sexe. « Avec ma copine, je fais l’amour. Avec mes autres partenaires, je baise. » D’ailleurs, ces autres-là, il ne les embrasse pas, car c’est « un geste qui doit rester intime, amoureux ».


Parfois glauque, toujours safe

Pierre assure que le libertinage, autrefois l’apanage du gratin, touche désormais toutes les catégories socio-professionnelles, « depuis les couples bidochons jusqu’à l’aristocratie ». Il doit en grande partie sa démocratisation à l’arrivée d’Internet. Il y a encore une dizaine d’années, il fallait pour pratiquer être introduit dans des soirées privées, ou bien franchir le pas d’un club échangiste. Or, ceux-ci sont essentiellement localisés dans les grandes villes, et posent un tarif d’entrée assez exclusif, notamment pour les hommes seuls - jusqu’à 130€. Grâce aux sites Web spécialisés, chacun y a désormais accès, pour un coût plus modeste.

Si bien qu’aujourd’hui, on y trouve presque tout et tout le monde, du trentenaire célibataire à la recherche d’une dominatrice aux couples de sexagénaires souhaitant pimenter leur vie sexuelle rendue monotone par le poids des années. Toutes les envies sont dans la nature, même les plus déviantes, et le monde du libertinage en est un reflet saisissant. Pierre, bisexuel à forte tendance SM [sadomasochiste, ndlr], raconte des expériences plutôt extrêmes, comme cette soirée branding dans un club parisien où les gens prenaient plaisir à se faire marquer au fer rouge. Il a même reçu des propositions de rapports incestueux ou de simulations de viol. En revanche, il assure que « c’est un milieu très safe. C’est toujours le plus restrictif qui gagne. » La capote est incontournable, hormis dans les soirées bareback, rares et très mal vues.


Journée spéciale gang-bang

Très actif sur Internet, Pierre fréquente plutôt rarement les clubs. De temps en temps, il y est invité par un couple ou s’y rend avec une sexfriend.


[...] La suite dans Le 13 du Mois #23

 

Publié par Emmanuel Salloum  le 12 Novembre 2012
 

///  Rubriques
///  Boutique
↓ ↓ ↓                               ↓ ↓ ↓
///  Le kiosque
///  Contacts
Inscrivez vous à notre Newsletter
adresse e-mail: