DOSSIER | L’alcool du PC Chinois à la conquête de l'Europe | Dossier |
C’est à l’orée de Chinatown que la firme géante, productrice exclusive de « l’alcool national chinois », va tenter de séduire les palais européens fortunés. Un pari osé tant le Moutai, ces dernières années, fait moins parler de lui par ses richesses gustatives que par l’envolée de ses prix.
Le géant Kweichow Moutai, producteur exclusif de cette eau-de-vie de sorgho très appréciée en Chine, voit toujours plus grand. Son immense marché intérieur ne lui suffit plus. Dans ce secteur très lucratif du spiritueux haut-de-gamme, il veut concurrencer les cognac et autres scotch jusque chez eux. Alors que grands crus et les purs malts s’arrachent à prix d’or à Pékin, à son tour il entend bien s’attaquer au marché mondial avec l’ouverture de boutiques en projet aux États-Unis et en Russie, et celle, au printemps dernier, d’un showroom à Paris, boulevard Masséna dans le 13e. Kweichow se voit en « symbole de l’essor économique de la Chine, du passage d’une économie fermée à une économie de marché ». Tout un symbole, justement, pour une société détenue et contrôlée par l’État depuis les années 1940, et qui a fait du Moutai l’eau-de-vie « officielle » de la République populaire chinoise et du parti communiste. Depuis le toast réussi avec Nixon lors de sa visite à Pékin en 1972, le régime arrose de Moutai tous les chefs d’État et hauts dignitaires de passage en Chine. Après le gratin politique, il était temps de faire connaître au grand public du monde entier les délices de sa boisson nationale. Pour vendre, il faut un réseau de distribution. Pour un produit cher, quoi de mieux qu’un duty free ? Un pas décisif fut franchi en 2004, grâce au partenariat avec Cyril Camus, 5e du nom, PDG-héritier de la célèbre maison de cognac, en vente dans les zones détaxées de plus de 120 pays. Grâce à cet accord de coopération, les flacons ont essaimé dans les aéroports de Paris, New York, Chicago, et quasiment toutes les grandes villes asiatiques. Avec, pour l’instant, des résultats de vente très limités. 95% du Moutai produit chaque année (170 tonnes) est consommé en Chine. Et les meilleurs clients des duty free restent les businessmen chinois, qui profitent d’escapades à l’étranger pour se fournir à moindre coût. Les Westerners n’ont pas encore mordu.
Appâter le clientC’est qu’en matière de liqueur haut-de-gamme, les palais européen et américain ont leurs habitudes et leur délicatesse. Kweichow l’a compris en commercialisant une variété spéciale pour l’export, avec un packaging plus familier à l’œil occidental. Insuffisant : avant de se faire apprécier, il faut déjà se faire connaître. La société porte désormais tous ses efforts sur la promotion de ses produits. En 2010, elle a su surfer sur la vague de l’Exposition universelle de Shanghai, en concevant 70 flacons spécifiques, chacun à l’effigie d’un pavillon. Et au printemps 2012 ouvrait à Paris la première boutique exclusive d’Europe, au niveau de la porte d’Italie. Une salle très élégante, aux tons rouges et boisés, où on joue à fond la carte du luxe. La boutique servant avant tout de vitrine pour le marché européen, le choix de Paris, capitale du raffinement, n’est pas anodin.
[...]La suite dans Le 13 du Mois n°26. |
Publié par Emmanuel Salloum le 12 Février 2013 |