En ces temps où la République fatigue, on va sûrement nous traiter de « démagos », de « pousse-au-crime », de « faire le jeu des extrêmes ». On a pourtant été patients. Faisant mentir l’adage qu’un journaliste « exige toujours pour hier un rendez-vous qu’il n’est possible d’obtenir qu’à partir de demain ». Quand Anne Hidalgo officialise sa candidature en direct de Petit Bain en septembre 2012, nous contactons son service de presse pour savoir s’il est possible de la rencontrer et surtout quand. Un premier courriel est envoyé le 10 septembre 2012 à 17h. La réponse tombe dans l’heure : « Bonjour, je reviens tout prochainement vers vous, une fois que j'ai pu faire le point sur l'agenda d'Anne Hidalgo. Votre proposition est en effet intéressante et je vous en remercie. » Nous savons très bien que par « faire le point sur l’agenda », nous allons gentiment nous faire balader. Nous avons aussi conscience de ne pas être Paris Match, ni d’avoir l’humour fin et racé de Philippe Bouvard, qui l’a invitée et reçue à ses Grosses têtes le 19 novembre dernier. Ça laisse rêveur... Alors, mois après mois, nous relançons. Et, invariablement, on nous répond que « cela va vraiment être compliqué à mettre en place pour le prochain numéro, mais faisable pour le suivant ».. Puis arrive 2013 et le lancement par le PS d’« Oser Paris », ces clubs militants et citoyens censés faire remonter propositions et doléances de chaque arrondissement à la candidate. Ça tombe bien, ce sont justement sur ces réalités de terrain que nous voulons l’entretenir. Nous relançons de plus belle. Dans le vide. Jusqu’à l’automne où, de l’autre côté de l’échiquier politique, les choses se décantent rapidement. Nous ne sommes pas dupe : la candidate de l’UMP accumule les boulettes et se traîne dans les sondages. Pour elle, toute « communication » est bonne à prendre. Forts de cette nouvelle donne - et avec l’appui d’élus socialistes du 13e dont le maire Jérôme Coumet -, nous rappelons le staff d’Anne Hidalgo, qui finit par nous proposer le procédé de l’interview par email. Nous le refusons, jusqu’à menacer de publier cinq pages blanches en lieu et place de l’entretien. Dans l’heure qui suit, le coup de fil final affirme que « notre position est excessive et que nous ne faisons pas preuve de bonne volonté en refusant l’option proposée. » Et voilà comment la communication politique et ses verrous l’ont emporté, réduisant les convictions d’une femme politique à un vulgaire tract de campagne. Contrôlant ainsi totalement la parole politique jusqu’à faire croire aux lecteurs – qui sont surtout des citoyens – que c’est Anne Hidalgo qui répond à nos questions alors qu’il s’agit bien des petites mains de son cabinet. Avec cette ultime interrogation : en un an et demi, a-t-elle seulement su que nous voulions la rencontrer ?
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