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PAR DESSUS LE PERIPH' | Les petits critiques de théâtre prennent le micro

 

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Depuis près de dix ans, le projet des petits correspondants du théâtre, piloté par le théâtre Antoine-Vitez d'Ivry, apprend aux enfants des écoles élémentaires à regarder, analyser et raconter pour la radio le spectacle vivant. Reportage dans les coulisses d’une émission diffusée sur Radio-Cartable et menée par des élèves d’une petite dizaine d’années.

Ils viennent d'entrer dans le petit studio aux murs blanc et orange fluo tapissés de dessins. Ignorant les chaises vertes, ils attendent debout, sans un mot, derrière trois micros sur pied dressés à leur hauteur. Derrière la vitre de la régie, les yeux rivés sur les témoins de niveau sonore, Frédéric Garbe, professeur des écoles détaché à plein-temps à l'animation de Radio-Cartable, leur donne les dernières consignes : « On prend son temps et on met de l'énergie dans sa voix, ça s'entendra à l'antenne ! » C'est parti. « Bonjour, nous sommes la classe de CM1-CM2 de l'école Guy-Moquet et nous sommes très heureux d'être les petits correspondants du théâtre. » Leur texte en main, ils se succèdent pour présenter en quelques phrases le spectacle de danse rap et musique sur le thème de la maltraitance, Silenciô, l'Enfant sans Nom, à laquelle ils ont assisté deux semaines plus tôt. Certains ont la voix bien assurée. D'autres hésitent, peut-être intimidés pas la présence en face d'eux de D' de Kabal, auteur et interprète du spectacle.

Devenir des spectateurs « actifs »

Le projet des petits correspondants du théâtre existe depuis 2004. Mené conjointement par le Théâtre municipal Antoine-Vitez et Radio-Cartable, la radio des enfants des écoles d'Ivry (lire l’encadré), avec le soutien de l'Éducation nationale, il s'inscrit dans la politique municipale de sensibilisation des enfants au spectacle vivant. « L'idée est de tisser un lien entre les enfants et le théâtre pour qu'ils sachent qu'il y a quelque chose pour eux ici », résume Annick Bayard, la chargée des publics et de l'action culturelle enfance du théâtre municipal, et pilote du projet.

Pour ce faire, les élèves d'une classe de la ville, cette année les CM1 et CM2, dont deux Clis (classes pour l’inclusion scolaire), de l'école Guy-Moquet, vont assister, en plus de Silenciô, à trois spectacles jeunesse au théâtre Antoine-Vitez. Au programme, un large panel de genres, danse, musique, théâtre, jonglage et conte, histoire de bien saisir tout ce qu’englobe le « spectacle vivant ». En assistant aux répétitions, ils vont également découvrir l’envers du décor : comment travaillent les artistes, les techniciens, programmateurs ou communicants. Enfin, ils apprendront à devenir des spectateurs « actifs », qui savent analyser un spectacle, sa mise en scène, son éclairage et son décor, les apprécier et construire un argumentaire. C'est là que Radio-Cartable va entrer en jeu, en leur fournissant un support d'expression, mais aussi en les initiant à l'écriture radiophonique et à la technique du micro. Chaque représentation fera l'objet d'une émission, durant laquelle les petits critiques intervieweront les artistes et leurs feront part de leurs réflexions.

Justement, pour la deuxième partie de l’émission, un nouveau groupe arrive. Devant un D' de Kabal attentif, ils exposent leurs critiques, positives comme négatives. « Nous avons aimé la musique, qui accompagnait bien l'ambiance sombre », « La clé de l'énigme était révélée trop tôt »... « Les enfants sont super bruts de décoffrage, sourit Frédéric Garbe. Et leur travail en amont leur a permis de sortir du simple “j'ai trouvé ça bien ou pas bien...” »

Des premiers de la classe pas forcément les meilleurs

Vient l'heure de l'interview. Le dernier groupe entre en studio. « On regarde bien l'interlocuteur. Et si on ne comprend pas bien ce qu'il dit, on peut lui demander de r��péter », rappelle l'instituteur. La série de questions démarre : « Qu'est-ce qui vous a amené à parler de la maltraitance ? », « Pourquoi faites-vous du théâtre ? »... D’ joue le jeu. « Ce qui est bien avec les enfants, c'est que, au contraire de certains adultes, ils ne posent pas de question en attendant une réponse toute faite », apprécie l'artiste. Fin de l’émission. La classe a rejoint son école. Frédéric Garbe doit maintenant monter et mixer le tout. « Ils se sont pas mal débrouillés pour une première, commente-t-il. Certains étaient terrorisés à l'idée de parler au micro mais ils ont quand même réussi. Et les premiers de la classe n'étaient pas forcément les meilleurs. »

Outre les bénéfices apportés par leur expérience radiophonique (lire l'encadré), que retiendront-ils de cette année de « correspondance » ? « Les résultats ne sont pas quantifiables », répond Annick Bayard, qui reconnaît que les adolescents ne fréquentent pas du tout les théâtres, mais que « certains y reviennent quand ils deviennent parents ». Pour elle, l’important est ailleurs. « Ils apprennent que ce qui compte dans le spectacle vivant : partager des émotions ensemble, s'ouvrir sur le monde. Si on a pu concourir à les faire réfléchir, à les rendre autonomes, c'est déjà pas mal. »

 

Lire la suite dans le 13 du Mois #36

 

Publié par JEROME HOFF  le 15 Janvier 2014
 

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