Adjoint au maire chargé des questions économiques, Buon-Huong Tan, qui figure sur la liste de Jérôme Coumet pour les municipales, compte se faire le porte-voix de la population d'origine asiatique. Ce « boat people » parti du Cambodge en 1975, qui assure ne pas s’être préparé à faire de la politique, maîtrise pourtant à la perfection l’art de la communication.
Rencontrer Buon-Huong Tan ne fut pas chose aisée. Il a fallu insister, expliquer, trouver le bon créneau, le décaler d’une heure au dernier moment, et puis en fait non... Entre ses fonctions à la mairie du 13e, ses engagements associatifs et son entreprise, l'Empire des thés, l’emploi du temps de M. Tan ne laisse pas vraiment place aux rêveries. C’est finalement à la mairie qu’il nous reçoit, après avoir monté les marches deux par deux et en courant. « Monsieur Coumet et son équipe m'ont convaincu que le travail d'adjoint n'était pas si chronophage. Je les remercie aujourd'hui, mais ils m'ont roulé dans la farine : si l'on veut bien faire les choses, ça prend du temps ! », balance, rieur, celui qui occupe depuis 2008 le poste d'adjoint chargé des questions relatives au développement économique. Il n’est pas au bout de ses peines. Quelques semaines avant notre rencontre, le 27 novembre, Anne Hidalgo a apporté son soutien à celui qui est désormais encore mieux placé sur la liste de Jérôme Coumet pour les prochaines municipales : « Je souhaite vivement que Buon-Huong Tan, colistier dans le 13e, devienne conseiller de Paris », a fait savoir la candidate du Parti socialiste dans un communiqué. Une agréable surprise et une preuve de confiance pour l’élu du 13e, qui ne cache toutefois pas sa crainte : « Vais-je être à la hauteur ? »
« On aurait été fusillés »
Buon-Huong Tan, aujourd'hui figure emblématique du quartier asiatique, a appris la politique sur le tas. « Je n'avais pas prévu cela », assure-t-il. Loin de la politique, et même très loin de la France. En 1975, les Khmers rouges ont pris Phnom Penh, la capitale du Cambodge, où il habite avec sa famille. Alors âgé de huit ans, Buon Tan doit fuir sa maison, accompagné de ses sœurs, ses parents et son grand-père. Partis avec seulement quelques vêtements, ils se retrouvent à travailler dans les champs. Puis la petite balade d'une journée se transforme en exode. Faire demi-tour est bien trop risqué : « On aurait été fusillés », se souvient-il. Ceux qui sont restés en ont payé le prix fort : grands-parents paternels, oncles et tantes ont été brûlés vifs dans leur immeuble.
C'est grâce à un pêcheur vietnamien que la famille Tan peut finalement quitter le Cambodge. « Il nous a couverts, nous a emmenés au Vietnam sur son bateau », raconte Buon Tan, plein de reconnaissance pour cet homme qui lui a donné, selon lui, « une leçon de vie ». Arrivée à Saïgon, la famille obtient un visa pour la France et pour la liberté. Un lien « affectif et historique » avec l'Hexagone que Buon Tan aime à rappeler. De son passé, qu'il évoque avec distance, il ne garde pourtant que des bribes de souvenirs, de la corne sur les mains et une odeur de cadavres lorsqu'il voit des masques de protection respiratoire à la télévision.
Pas encarté au Parti socialiste
Buon Tan apprend ses premiers mots de français à Tours, où il entre au collège. Puis, très vite, les affaires (re)prennent. Son père, spécialiste dans l'import-export, créé une association dans le 13e et ouvre un petit restaurant du côté de la porte de Choisy, avant de donner naissance en 2001 à l'Empire des thés, dont la boutique est aujourd'hui située avenue d'Ivry. Pendant ce temps, Buon-Huong Tan poursuit ses études. Il est titulaire d'un diplôme en économie et d'un autre en Miage, Méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises. La combinaison parfaite pour reprendre les affaires familiales avec son père et ses sœurs, tout en s'impliquant dans la vie de quartier. « Il a participé activement à nos activités », se souvient Guy Hua, actuel président du conseil de surveillance de l'amicale des Teochew (diaspora chinoise d'Asie du Sud-Est), dont Buon Tan a dirigé la section jeunes.
De fil en aiguille, il commence à travailler avec Jacques Toubon, Serge Blisko puis Jérôme Coumet, qui lui propose de rejoindre l'équipe municipale. Il accepte, mais sans prendre pour autant sa carte au Parti socialiste. « La politique peut se faire sans adhérer à un parti. Je partage le volet social du PS, mais pas 100% des idées de tous les courants », se justifie Buon Tan. Pour Yves Contassot, actuel conseiller de Paris Europe Ecologie-Les Verts et tête de liste pour les municipales dans le 13e, monsieur Tan est avant tout l'allié du maire : « Les compagnons de route n'ont pas leur carte par principe. En fait, il est surtout là pour faire le lien avec la communauté asiatique. »
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