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PARIS RIVE GAUCHE | Enquête sur l’autre 13e

 

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Nous sommes nombreux à le regarder sortir de terre, année après année, de près ou de loin. Construit de toutes pièces sur un trou de friches industrielles, Paris Rive Gauche, du nom de cet immense plan d’aménagement de 2,5 km2 de la gare d’Austerlitz à la lisière d’Ivry, peine à imposer son style. Esthétique et aéré pour les uns, fade et inaccessible pour les autres, ce nouveau quartier, avec son paysage moderne où les habitants vivent au milieu des grandes entreprises, est-il un quartier de vie ? Dans un arrondissement de « villages », de la Butte-aux-Cailles aux Peupliers en passant par Jeanne d’Arc, nous avons enquêté sur cet autre 13e.

Encore six ou sept ans et, si tout se déroule comme prévu, les 180 mètres de l’une des tours Duo devraient dominer la capitale. Paris Rive Gauche, gigantesque chantier de 150 hectares qui longe tout ce que le 13e a d’accès à la Seine, approchera alors de son terme, après trente années et beaucoup de poussière. Pour le moment, les grues sont encore les plus hautes fenêtres sur le paysage. Achevé à hauteur de 60%, le plus important plan d’aménagement parisien jamais entrepris depuis Haussmann prend forme. Une forme d’immeubles singuliers et inégaux dans des rues à angles droits, de perspectives aérées et aériennes, de réflexions dans les vitrines, de matériaux verts et de verre, de larges trottoirs empruntés par des attaché-cases. « Ici, on n’a pas l’impression d’être à Paris » est la phrase la plus glanée aux pieds des immeubles de bureaux et de logements, ou dans les cafétérias de l’université.

D’Austerlitz au boulevard périphérique, sur ces friches vestiges du passé industriel du 13e et traversées par des voies ferrées reliant Paris à Orléans, il a fallu tout inventer. Jusqu’au tracé et au nom des rues. Pensé dès les années 1980, quand François Mitterrand élit ce lieu pour sa grande bibliothèque, le projet touche au but. « Nous pouvons dire avec certitude que Paris Rive Gauche ira au bout de son ambition et sera achevée autour de 2025, vraisemblablement selon les plans que nous avons sous les yeux aujourd’hui », indique Jean-François Gueullette, directeur général de la Semapa, l’aménageur public de la Zac (zone d’aménagement concerté) créée en 1985 pour assurer la mise en œuvre des opérations. Sous ses yeux, justement, juché sur un trépied, le panneau présentant le plan quasi-définitif : un puzzle de bureaux, logements, activités commerciales et services, équipements publics et espaces verts. Des rectangles emboîtés les uns aux autres d’Austerlitz à Bruneseau (voir notre carte page 26). « Notre force, c’est de faire se côtoyer des grandes entreprises et des logements sociaux, des facultés et des enseignes commerciales, le tout très bien desservi par le réseau de transports », assure Jean-François Gueullette, citant la ligne 14, qui reliera, dans le cadre des réalisations du Grand Paris, la Bibliothèque à Orly, et la ligne 10, qui sera prolongée jusqu’à Ivry.

 

Dans les années 1980, faire La Défense à l’est

« Cela fait longtemps, maintenant, que plus aucun retour en arrière n’a été entrepris », constate un fin connaisseur du 13e, qui suit le dossier depuis ses débuts. Maurice Bachet, scénographe locataire des Frigos depuis 1985, raconte : « L’idée de départ, qui a en grande partie été respectée, est celle d’une zone construite autour d’un axe principal, l’avenue de France, avec un tracé orthogonal, des angles droits et dont le principe numéro un était la limitation des hauteurs. Tout devait être aménagé selon un concept d’îlots ouverts inventé par l’architecte en chef, Christian de Portzamparc. » Depuis, le projet de la Zac – qui s’appelait « Seine Rive Gauche » jusqu’en 1996 – a été largement étoffé. Et bousculé : d’abord parce que le deuxième mandat de Delanoë s’est finalement montré favorable aux tours, puis parce que la contestation citoyenne est montée en puissance. Des habitants regroupés en associations ou en collectifs, des Frigos aux conseils de quartier, d’Ada 13 à Tam Tam, devenus ensuite membres du comité de concertation, se sont élevés pour défendre une vision du 13e et de Paris basée sur la mixité sociale et le vivre-ensemble. La surreprésentation des bureaux est là où le bât a vraiment blessé. « Le projet initial, voulu par Chirac à la Mairie de Paris, Toubon à celle du 13e et Mitterrand en fond, était de faire une sorte de Défense à l’est, intra-muros, avec une monoculture de bureaux et aucun espace vert, se souvient Fabrice Piault, président de l’association Tam Tam. On éliminait le patrimoine industriel, qu’on recouvrait par une dalle, et on créait des voies express, en partie souterraines. »

[...] La suite dans le 13 du Mois #39

Publié par Virginie Tauzin  le 14 Avril 2014
 

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