PARIS RIVE GAUCHE | Les Frigos ont fait leur trou | Dossier |
Repaire d’artistes et d’entrepreneurs, le bâtiment des Frigos est l’un des derniers témoins de l’avant-Paris Rive Gauche. Après avoir frôlé la démolition, il s’est imposé dans le nouveau quartier.Difficile de passer à côté des Frigos. Ce grand blockhaus, avec son donjon, ses tuiles noires et ses murs gris-marron couverts de tags, détonne au milieu de ses voisins de verre et d’acier. Avant leur construction, il a longtemps – avec les Grands moulins – été le seul relief du quartier. Son histoire s’affiche un peu partout dans ses couloirs. La gare frigorifique de Paris-Ivry, érigée en 1921, a servi jusque dans les années 60 à stocker les denrées apportées par le train et vendues sous les halles du centre-ville. Au début des années 80, la SNCF a décidé d’ouvrir à la location cette masse de béton rendue obsolète par les halles de Rungis. La friche industrielle a alors été investie par des artistes et entrepreneurs en mal d’ateliers. Ils sont aujourd’hui une centaine. Arrivée en 1985, la céramiste Alexandrine Poinsard fait partie des pionniers. Elle se souvient des rails qui entraient dans le bâtiment, des locaux d’Emmaüs tout proches, du bruit des voitures qu’on chargeait sur les trains gare d’Austerlitz. « Le quartier était au niveau de la Seine. Mais tout a été comblé et rehaussé », rappelle-t-elle. Les Frigos semblent, du coup, être un peu « bas » par rapport aux bâtiments alentours. Un moindre mal quand on sait que le premier projet de la Zac Paris Rive Gauche, en 1991, prévoyait leur démolition. La mobilisation des locataires a permis leur conservation. Exister avec le nouveau quartier, pas contre luiAlors, les Frigos, poche de résistance au milieu des cols blancs ? Oui, dans le sens où leurs occupants se battent constamment pour maintenir leur mode de fonctionnement, rester indépendants, arracher des promesses de travaux, un statut moins précaire... Leurs luttes ont influencé le visage actuel de la Zac. Ils ont ainsi obtenu, entre autres, la restitution de locaux en échange d’un bâtiment détruit par les flammes et un changement de tracé de la rue des Frigos. « Elle est courbe alors que tout le secteur est en angle droit », précise Alexandrine Poinsard, qui est aussi vice-présidente de l’Association pour le développement du 91 quai de la Gare dans l′Est parisien (APLD 91). Mais selon Cécile Page, sculpteur au deuxième étage et trésorière de la même association, si les Frigos veulent exister, c’est plutôt dans le nouveau quartier que contre lui. « Nous ne voulons pas être un ghetto », affirme-t-elle. Avec Alexandrine, elles voient plutôt les lieux comme « un élément de la mixité du secteur, aux côtés de l’université, des écoles et des logements sociaux ». Patricio Puentes, restaurateur de pianos, partage cet avis. « Je pense que notre présence fait du bien au quartier, même si je ne sais pas trop comment nous sommes perçus. » Réponse d’un voisin : « Le bâtiment mériterait un ravalement de façade mais l’art est toujours nécessaire. »
Pour ceux qui ne connaitraient pas encore les lieux, les Frigos ouvrent leurs portes les 24 et 25 mai 2014.
Des avancées laborieuses Depuis l’été 2013 et nos derniers articles, la situation n’a guère évolué aux Frigos. L’harmonisation des loyers demandée par les locataires n’est toujours pas effective. Les négociations achoppent sur leurs montants : La Direction du développement économique, de l’emploi et de l’enseignement supérieur (DDEEES), gestionnaire des lieux, et l’Association des locataires des Frigos (ALSF) semble s’entendre sur 70€ annuels par mètre carré, l’APLD 91 préconise 60€ et la mairie en voudrait 95. Les locataires attendent en outre toujours de vrais baux pour remplacer leurs conventions d’occupation précaires. Seul le volet travaux semble avoir un peu bougé. Des portes et des circuits d’eau ont été changés, la réfection et le désamiantage de la toiture sont annoncés pour la fin de l’année. Concernant les plus gros travaux de rénovation, « des études vont être lancées en 2015 pour un chantier prévu en 2016 », annonce Cécile Page.
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Publié par Jérôme HOFF le 14 Avril 2014 |