Un resto un chef une recette I French touch à Chinatown | Culture culinaire |
L’Âge d’Or fait partie de ces lieux qui ont vu naître Le 13 du Mois. Nous avons voulu en savoir davantage sur celui qui mène la danse dans la cuisine de ce bistrot culturel situé au coin de la rue Magnan et de l’avenue de Choisy. 15h30, un mercredi. Sa Harley est garée devant. Lui est au fond de la salle. C’est la fin du service. « J’arrive ! », me lance-t-il en avalant une dernière bouchée de son repas. Crâne rasé, tee-shirt noir, larges boucles d’oreille et grosses bagues aux doigts, le voilà qui se présente : « Étienne, allons-y ! » Étienne Liberge, 34 ans et déjà 15 derrière les fourneaux, a débuté dans sa Normandie natale avant d’affûter ses couteaux à Paris, chez des pointures : Castel, Dessirier – l’une des tables de l’étoilé Michel Rostang – et auprès d’un ancien du Plaza Athénée, Erick Goll, devenu son mentor. Formé par des « anciens », comme il se plaît à le raconter – des anciens qui n’ont, précise-t-il, pas toujours vu son look d’un bon œil – il n’a pas hésité, il y a 4 ans, à se lancer dans l’aventure de l’Âge d’Or. « Un bar esprit brocante années 70 qui propose de la cuisine française en plein quartier chinois, ça pouvait paraître casse-gueule », raconte-t-il. Mais le fondateur des lieux, Tristan Morvan, est un passionné de vins et de gastronomie et tous deux partagent la même vision de la cuisine. Etienne se fait embaucher. Il a carte blanche pour élaborer ses menus et savoure cette liberté. Son credo : que des produits frais, respect des saisons et pas de micro-onde. Cuisiner, ça prend du temps : « Un Bourguignon mijote pendant 4 heures. Si on accélère sa cuisson, ça ne peut pas aller ! » Ne pas en faire des tonnes Lorsqu’il arrive le matin, Étienne n’a qu’une idée en tête : faire rêver les gens, éviter de leur servir ce qu’ils pourraient manger chez eux. « Les pâtes, ça marche à tous les coups, mais ça m’ennuie, je préfère un légume comme le panais injustement délaissé. Bien cuisiné, il a les saveurs de l’artichaut et de la carotte. » La petite astuce : enlever son cœur car c’est lui qui donne le goût un peu farineux. Etienne a également un faible pour le potimarron, qu’il prépare principalement en purée et en soupe. Sans oublier les champignons, comme les pleurotes. En fricassée traditionnelle avec du beurre et des échalotes ou en poêlée forestière avec des pommes de terre et des pois gourmands, elles font le bonheur des papilles. Sublimer les légumes, tout un art mais surtout de vraies techniques, en partie apprises lorsqu’il vivait à la campagne. « Nul besoin en revanche d’en faire des tonnes », tempère-t-il. Un bon produit se suffit à lui-même et gare à celui qui tente de travailler avec plus de sept voire cinq ingrédients, condiments inclus. « Au-delà, il est quasi impossible de reconnaître la composition d’un plat. » Top chef mais pas trop Son marché, notre chef le fait uniquement avec des fournisseurs sur lesquels il sait qu’il peut compter : son maraîcher, son boucher aveyronnais, son producteur de vins... C’est l’une des clés de la réussite. Une fois les produits sous les yeux vient l’inspiration et tout commence. Voilà qui nous conduit à la phase « Top Chef », même si Étienne n’est pas un grand fan de cette émission : « Elle tente de faire passer la cuisine comme quelque chose de facile et donne des tours de main que nous, cuisiniers, n’avons pas toujours envie de dévoiler. » Pour Le 13 du Mois, il dérogera à ses principes en nous laissant assister à la préparation d’un plat. Pour nous, pas de légumes, ce sera un tartare aux couteaux. Coquillage (trop) rare sur les cartes des restos parisiens et petit jeu de mot aussi, nous précise-t-il l’œil rieur. Étienne enfile un simple tablier, dispose sur son plan de travail tous les ingrédients nécessaires à la recette. À ses côtés, Hamamadou, son stagiaire, se montre très attentif, comme nous : la leçon peut commencer.
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Publié par Laurence Gonthier le 10 Juin 2014 |