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13E OEIL |Gueules de nuit

 

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Vous passez devant eux sans vraiment les voir mais toujours avec un peu d’appréhension. C’est qu’ils ont le pouvoir de vous refuser l’accès aux soirées branchées (ou non) de la capitale. Mais qui sont vraiment ces videurs, qu’on appelle aussi portiers ou plus joliment hôtes d’accueil ? Que cachent-ils derrière leur blouson noir et leur oreillette ? On a tâté le terrain du côté des bars de la Butte-aux-Cailles et des clubs en bord de Seine.

Quai de la gare, un vendredi soir. Les fêtards du 13e sont de sortie sur les bords de Seine, où les attendent des péniches transformées en boîtes de nuit ou en salles de concerts. Sur le pont d’embarquement d’un de ces bars flottants, Malick*, le portier, est le vrai capitaine du navire. À 41 ans, blouson noir et stature de héros-malabar, c’est lui qui décide qui pourra accéder – ou non – à la soirée. « Je ne suis pas un physionomiste sur les Champs-Élysées, précise-t-il d’emblée. Ici, je juge moins le style vestimentaire que l’état de la personne. On ne veut pas d’embrouilles à l’intérieur, alors je m’assure que le mec trop saoul ou drogué ne puisse pas entrer. »

 

LE SPORT COMME RELIGION

Et pour ça, il faut en imposer, montrer ses muscles l’air de rien. Malick cultive soigneusement son apparence de géant. Pour lui comme pour ses collègues gardiens des temples de la nuit, le sport est la première des religions. Des terrains de jeux de Côte-d’Ivoire, où il a passé son enfance, aux salles de sport de Villejuif où il vit à présent, il a toujours pratiqué le basket et le taekwondo à haut niveau. Lorsque, colosse aux pieds d’argile, il a dû abandonner son premier métier de charcutier à cause d’une blessure aux ligaments - il a trébuché en portant un quartier de bœuf -, c’est le sport qui l’a sauvé. Remarqué pour sa carrure, il a eu l’occasion d’intégrer une agence de sécurité et de devenir videur. « Après deux ans de rééducation, je m’ennuyais à mourir chez moi, confie-t-il. J’avais pris un rythme de vie taciturne, alors travailler comme agent de sécurité la nuit a été le bon plan. Et puis, ça me permet de m’occuper de ma fille de neuf mois pendant la journée. »

 

Portier dans un bar populaire de la Butte-aux-Cailles, Patrick, 52 ans, est lui aussi un grand sportif. Visage anguleux, cicatrice sur le côté du crâne et grosse montre en or au poignet, il affiche près de quarante années de sport de combat au compteur. À 38 ans, il a arrêté la compétition et cherché à se recycler. Avec son mètre soixante-dix-huit et ses 80 kilos, c’est un poids-plume dans la profession, mais il sait qu’il ne se trompe pas de voie. « Ma vie, c’est le travail et le sport », résume-t-il.

 

[...] La suite dans le 13 du mois # 45

 

 

 

*Les prénoms ont été modifiés à leur demande.

 

 

Publié par Anaïs Condomines  le 12 Novembre 2014
 

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