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Avant le magnétoscope et le modem, les films classés X se visionnaient en public, dans les salles obscures des cinémas pornos. Chaque arrondissement en avait au moins un. Dans le 13e, c’était le Galaxie, au 2, rue du Moulin-de-la-Pointe.
En 1975, après une année de relative libéralisation, le président Valéry Giscard d’Estaing et son secrétaire d’État à la culture Michel Guy décident d’encadrer la pornographie. La loi du 30 décembre 1975 instaure la classification « X » des films pour adultes. Elle les taxe sur les droits d’entrée et les bénéfices (20%) et les prive, ainsi que les salles qui les projettent, de toute subvention. Le porno est ghettoïsé. Pour certains cinémas de quartiers, c’est une aubaine. Des dizaines d’entre eux sont alors menacés par le développement des « multisalles » plus confortables et parfois nantis d’une exclusivité sur la diffusion des films récents. La reconversion dans le film pour adultes est leur chance de survie.
« Enfin de la pornographie à l’état pur ! »C’est le chemin que prend le Galaxie, à l’angle des rues du Moulin-de-la-Pointe et du Docteur-Laurent. À ne pas confondre avec le Paramount Galaxie, complexe de quatre salles construit dans les sous-sols du centre commercial du même nom. Inauguré à la place d’un théâtre en 1934, il s’est appelé Le Palace du Moulin jusqu’en 1941, puis Le Fontainebleau jusqu’en 1970. Ses murs sont en béton. Une tour en trapèze surplombe sa façade. Au-dessus de ses portes vitrées, un panneau horizontal annonce le film projeté dans son unique salle de 880 places : Les Plaisirs solitaires, Parties chaudes... Le romancier Alphonse Boudard l’évoque dans Les Combattants du petit bonheur, prix Renaudot 1977 (1). « Il a la façade à la suédoise… Galaxie, il s’intitule. Et il passe, je lis la pub… Enfin de la pornographie à l’état pur !... Dans la chaleur de la chatte de Julie !... Hard pénétration… Le paroxysme du délire sexuel… » « Les films étaient mauvais »Jacques Goulet, qui vit toujours dans le 13e, s’y est rendu une fois. « Ces films étaient très mauvais, se souvient-il. Ils essayaient de produire des scénarios comme dans les longs-métrages classiques, mais c’était insignifiant. Et les acteurs jouaient mal. » La majorité des spectateurs sont des hommes. Certains se masturbent. « Les ouvreuses essayaient de ne pas les voir dans le faisceau de leurs lampes », rigole le retraité. Selon un témoignage recueilli par le site salles-cinema.com (2), le public est hétéroclite. « Il y avait un mixage complet des populations : des Français comme des populations originaires d’Afrique ou du Maghreb. Tous les âges étaient représentés. » Pour le même témoin, le cinéma X est aussi un lieu de rencontres : « La rapidité et l’anonymat décomplexaient les spectateurs », explique-t-il. La fête dure une dizaine d’années, jusqu’à ce que le magnétoscope et sa cassette VHS relèguent le porno dans l’intimité des foyers. Le Galaxie ferme ses portes le 3 juin 1986. À sa place se trouve aujourd’hui un bureau de poste.
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Publié par Jérôme Hoff le 16 Mars 2015 |