UN RESTO, UN CHEF, UNE RECETTE | Hanna Wubishet d’Entoto | Culture culinaire |
Cap sur l’ÉthiopieL’Entoto est le plus ancien restaurant éthiopien de Paris et il est situé dans le quartier Croulebarbe, à deux pas de la rédac’ du 13 du Mois. Ça tombe bien, on avait envie de voyager. Alors on a suivi Hanna Wubishet derrière ses fourneaux.Pas facile de convenir d’un rendez-vous avec Hanna, la coquette patronne de l’Entoto. Non pas qu’elle se la joue débordée, elle l’est pour de vrai. À 38 ans, la jeune femme, sourire juvénile, haut rose, boucles d’oreilles assorties et Stiletto noirs, assure sur toute la ligne. Seule en cuisine et en salle. Pas le choix. « Mon frère et ma belle-sœur viennent parfois m’aider lorsqu’il y a beaucoup de réservations. Le reste du temps, je m’occupe de tout et ça fait de très longues journées », confie-t-elle. Du coup, le midi, il faut appeler pour venir manger dans son restaurant. Sinon, vous risquez de trouver porte close. L’Entoto existe depuis 1983. Il a changé de propriétaires plusieurs fois. Hanna l’a racheté en 2008 après y avoir travaillé en tant que salariée. La déco est 100% éthiopienne avec des instruments de musique traditionnels, des objets artisanaux, des nappes brodées par la maman de la maîtresse des lieux. Les serviettes en papier sont vertes, jaunes et rouges, les couleurs du drapeau national. Quant aux petits abat-jours d’où filtre une lumière tamisée, ils ont été peints par Mickael Bethe-Sélassié, artiste éthiopien installé dans le 13e arrondissement (voir notre rubrique l’Atelier du mois derniesr).
Injera à chaque repasLe voyage se poursuit dans l’assiette. Et mieux vaut apprécier les mets épicés car la cuisine éthiopienne fait la part belle aux mélanges de piments berbéré et mitmita, à la cardamome ou au gingembre, pour ne citer qu’eux. Pour avoir un bel aperçu de toutes ces saveurs, l’idéal est d’opter pour le beyayenet, un assortiment de spécialités comprenant des purées de lentilles roses et de pois cassés, des épinards, de la viande en ragoût (bœuf et agneau le plus souvent). Le tout est présenté comme une farandole avec, au centre, du poulet en sauce. « Le poulet, c’est le plat de fête par excellence. En Éthiopie, il est incontournable, même chez les familles les plus modestes », explique la jeune restauratrice. La nourriture est disposée sur une injera, une galette de teff (céréale ressemblant au millet et cultivée en Afrique) qu’Hanna prépare elle-même grâce à l’imposante machine à pétrir qui trône dans sa cuisine : « On retrouve la injera à chaque repas puisqu’elle sert à la fois de plat et de couvert. » Oubliés donc le combo fourchette-couteau et l’assiette individuelle : le beyayenet se partage et tout le monde mange avec les doigts. Parmi les autres spécialités à ne pas manquer figure le kefto – à ne pas confondre avec les kefta. Il s’agit d’un steak tartare à l’éthiopienne, haché au couteau et préparé avec du piment mitmita, du beurre parfumé à la cardamome et des feuilles de serpolet. Hanna a une préférence pour le bere teubs, du bœuf en très fines lamelles sauté aux épices. Généreuse, elle nous livre ses deux recettes.
Des Américains amateurs de cuisine éthiopienneLes fans de desserts sortiront peut-être un brin frustrés de l’Entoto. En Éthiopie, on termine son repas avec des fruits frais, « mais nous avons là-bas de très bonnes pâtisseries. Le sucré se déguste l’après-midi, au goûter. C’est une question de tradition », s’empresse de préciser Hanna. Côté boissons, l’Entoto propose du « made in Ethiopie » qu’il s’agisse de bières, d’hydromel (boisson fermentée à base de miel et d’eau) ou de vins issus de cépages français et dont la production et la commercialisation est toute récente. La chef se plaît à faire découvrir la gastronomie du pays qu’elle a quitté à l’âge de 19 ans. Lorsqu’on l’observe toute virevoltante derrière ses fourneaux, on comprend qu’elle aime son métier. Sur sa vie personnelle, elle se montre en revanche très pudique. « Pas toujours facile d’avoir vécu la moitié de sa vie dans un pays, puis la seconde dans un autre », confie-t-elle, le regard lointain, avant d’embrayer sur tout autre chose : « Les gens qui ne connaissent pas le restaurant ne nous voient pas car la rue n’est pas assez passante. C’est un peu rageant… », regrette-t-elle. Heureusement, ceux qui viennent pour découvrir la cuisine éthiopienne reviennent la voir. Hanna peut aussi compter sur une clientèle américaine : « Le restaurant est recommandé par certains guides et comme il y a une communauté éthiopienne plus importante aux États-Unis, les Américains connaissent et apprécient notre gastronomie. Du coup, quand ils séjournent à Paris, ils viennent ici. »
Infos pratiques : Entoto, 145 rue Léon-Maurice Nordmann,
[...] La suite de la recette est à retrouver dans Le 13 du Mois #50
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Publié par Laurence Gonthier le 20 Avril 2015 |