Pendant l’Occupation La guerre souterraine
Entre 1940 et 1944, les résistants ont utilisé le métro pour lutter contre l'occupant. D’entrevues secrètes en manifestations, ou comment la guerre s’est jouée aussi en souterrain.
Pierre Georges, alias Fabien, responsable militaire des Jeunesses communistes, se trouve sur le quai de la station Barbès-Rochechouart en ce 21 août 1941, quelques jours après l'invasion de l'URSS par les forces hitlériennes. Il est 8 heures du matin. Le garçon observe un officier de la Kriegsmarine s'approcher du wagon de 1ère classe, puis ouvrir la porte de la rame. Le résistant se précipite et tire deux balles, tuant ainsi l'ennemi, avant de s'enfuir vers le Quartier latin. Un coup d'éclat pour l'exemple, à la suite d'une manifestation de camarades ayant mal tourné à la station Strasbourg-Saint-Denis. Mais l’opération ne fait guère l'unanimité du côté de Londres, écrit Jean-Paul Cointet dans Paris, 40-44 (Perrin, 2001), citant le Général de Gaulle. Celui-ci demande, en octobre 1941 sur la BBC, à ce que l'on ne tue « pas d'Allemand ». D'autant plus que ce genre d'actions conduit à de sévères représailles, souvent des exécutions d'otages, comme cet innocent qui a loupé le dernier métro et été attrapé par la police pendant le couvre-feu.
Idéal pour faire passer des messages
Il n'empêche, le métro offre de nombreux avantages : tout le monde peut se fondre dans la foule qui entre et sort des rames aux heures de pointe. Bien que ce lieu soit, selon Valérie Antelmi (1), propice à « l'affirmation de l'autorité allemande », il permet à de nombreux Français entrés dans la lutte, d’organiser des actions. Certains, par exemple, décident de couper le ticket de métro, afin qu'il prenne la forme du « V » de la victoire cher à Churchill.
L'endroit est aussi idéal pour faire passer des messages ; il a même servi de poste de commandement. Rol-Tanguy, le chef des Forces françaises d'intérieur d'Île-de-France, saute le pas sous la place Denfert-Rochereau en août 1944, au cœur des catacombes. Et c'est par la gare que les agents de liaison y entrent, précise Anne Thoraval dans Paris, les lieux de la Résistance (Parigramme, 2007). Comme les trains ne circulent pas à ce moment-là en raison d'une grève, des résistants utilisent d'ailleurs les tunnels, afin de se déplacer à l'abri.
Albert Camus a évité le pire
D'autres se donnent carrément rendez-vous sur le quai de métro pour échanger des informations, comme l'arrestation de l'un des leurs. C'est là que Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, apprend, en juin 1943, que son patron a été capturé. Un lieu qu'il privilégie depuis qu'il a rejoint la capitale : « Toutes les demi-heures, confiera-t-il plus tard dans son livre Alias Caracalla (Gallimard, 2009), je rencontre mes camarades dans des stations différentes. C'est la méthode la plus efficace pour voir le plus de monde en toute sécurité. »
Attention cependant à ne pas y transporter de documents compromettants, car les Allemands rôdent souvent à la sortie des quais. De Guy Môquet, tombé alors qu'il distribuait des tracts à la gare de l'Est, en octobre 1940, au général Delestraint, patron de l'Armée secrète, attrapé vers la station La Muette, en juin 1943, ils sont nombreux à avoir été capturés à proximité du métro. Certains ont eu de la chance, à l'instar d'Albert Camus (2). Un jour, il emprunte le métro avec sur lui les épreuves de son journal clandestin, Combat. Les Allemands contrôlent son identité. Comme il est en compagnie de son amie Maria Casarès et qu’on ne fouille pas les femmes, elle les cache rapidement sous ses vêtements. L’écrivain était sauf.
(1) Métro, dépôts, réseaux, Noëlle Gérôme, Michel Margairaz (publications de la Sorbonne, 2002) (2) Résister, Jacques Baumel (Albin Michel, 1999)
Un article réalisé avec le partenariat de Grégoire Thonnat
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