CULTURE | Entretien avec les commissaires de l’exposition Piaf à la BnF | Culture |
« La BnF est aussi un lieu de conservation de la culture populaire »Tout juste un siècle après la naissance d'Édith Piaf, la BnF consacre une importante exposition à la Môme. Complète et ludique à la fois, l’exposition permet tout autant de découvrir des anecdotes croustillantes sur l’artiste que de s’essayer à l’imitation à travers une petite séance de karaoké. Nous avons rencontré les commissaires Joël Huthwohl (directeur du département des Arts du spectacle) et Bertrand Bonnieux (conservateur au département de l’Audiovisuel), pour percer un peu plus le mythe de petite dame en noir.
Le 13 du Mois : Pourquoi organiser cette exposition sur Piaf maintenant ?
Joël Huthwohl : Danielle Bonel, la secrétaire d'Édith Piaf – décédée en 2012 –, nous a donné, en 2008, un important fonds d'archives, comme la robe noire emblématique portée par la chanteuse à partir de la fin des années 1950, des lettres et des photos. Nous avons complété cet ensemble avec des documents tirés des collections de la BnF. Soit près de 350 pièces que nous avions envie de partager avec le public, cent ans après la naissance de la Môme. Enfin, il était aussi très important de montrer que la BnF est aussi un lieu de conservation de la mémoire de la culture populaire et pas que de la culture savante.
Bertrand Bonnieux : Nous avons mis un an pour tout préparer et rassembler les documents prêtés par le musée dédié à la chanteuse, situé dans le 11e arrondissement, et par l'INA.
Qu'apprend-on d'Édith Piaf en venant ici ?
B.B. : L'exposition sert à corriger les légendes qui circulent sur une vie dont beaucoup croient tout savoir. Notamment son enfance. Sa mère, toxicomane, ne s'est guère occupée d'elle. Elle a suivi son père, alcoolique, qui se produisait dans la rue ou dans de petits cirques en tant qu'acrobate ambulant. Elle a vécu avec l'une de ses grands-mères qui tenait une maison close en Normandie. On comprend ainsi qu'elle ait voulu embellir son parcours, romançant certains épisodes et passant d'autres sous silence. Elle a souvent répété qu'elle était née dans la rue, ce qui n'est pas exact : elle est née à l'hôpital Tenon dans le 20e. Pour l’anecdote, enfant, elle a furtivement habité rue du Château-des-Rentiers puis a enregistré son premier disque à l’âge de 20 ans en 1935 au Studio Polydor, au 72-74 boulevard de la Gare (aujourd'hui boulevard Vincent-Auriol). Ce lieu n'existe plus.
L'une des parties de l'exposition concerne Édith Piaf l'amoureuse. Pourquoi ?
B.B. : C'est l'occasion d'évoquer sa relation avec Marcel Cerdan, elle aussi, un brin glorifiée. En 1949, le soir de la mort du boxeur, elle a chanté L'Hymne à l'amour et lui a dédié ce titre… qu'elle avait pourtant écrit quelques mois auparavant pour une autre chanteuse. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle comptait rompre avec lui. Par la suite, elle eut de nombreux autres amants et deux maris : Jacques Pills et Théo Sarapo.
Comment s'est-elle comportée pendant la Seconde guerre mondiale ?
B.B. : Elle n'était ni résistante ni collabo. La politique lui importait peu, même si elle a été le symbole d'un patriotisme consensuel. Elle, qui a chanté pour des soldats, a affirmé lors de deux tournées outre-Rhin, qu'elle avait aidé une centaine de prisonniers à s'évader d'Allemagne. Mais jamais personne n'a retrouvé de témoignage confirmant ce propos. En revanche, elle a bien aidé des musiciens juifs à se cacher dans la zone non-occupée, comme Norbert Glanzberg, compositeur du célèbre Padam... Padam.
« Piaf à la BnF », jusqu'au 23 août dans la Grande galerie de la BnF, quai François-Mauriac. Du mardi au samedi de 10h à 19h et le dimanche de 13h à 19h. Fermé les jours fériés. Plus de renseignements sur www.bnf.fr. De 7 à 9 €.
- Affiche de Gaston Girbal : Édith Piaf, disques Columbia, 1951. D.R. BnF, Estampes et photographie
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Publié par Philippe Lesaffre le 06 Mai 2015 |