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RETROACTU | « Bon anniversaire camarade Thorez ! »

 

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Du 24 avril au 7 mai 1950, le Parti communiste français, alors au faîte de sa puissance, célèbre le cinquantième anniversaire de son secrétaire général Maurice Thorez. Hommages et cadeaux affluent de toute la France vers Ivry-sur-Seine.

C’est la fête à Ivry-sur-Seine. En cette fin avril 1950, les communistes français célèbrent les 50 ans de leur secrétaire général Maurice Thorez, habitant et député de la circonscription ivryenne depuis les années trente. Le parti a vu grand : les réjouissances doivent durer du 24 avril au 7 mai, la date d’anniversaire exacte étant le 28 avril. 40 000 affiches, 200 000 invitations et 50 000 cartes, ainsi qu’un timbre à l’effigie de Thorez ont été imprimés. Les journaux communistes, L’Humanité ou Le Travailleur, ont mobilisé leurs lecteurs. La ville est décorée de portraits, de photos et de citations. Drapeaux et banderoles flottent dans les rues et recouvrent la façade de la mairie, dont le hall a été décoré de peintures grand format qui évoquent les différentes étapes de la vie de Thorez. Cette frise conduit jusqu’à l’étage, où sont exposés les lettres, cadeaux, œuvres d’art et autres témoignages d’affection envoyés à leur chef par les militants de la France entière.

Le culte de l’homme communiste parfait

Né et élevé dans une cité minière du Pas-de-Calais, Thorez tient les rênes du Parti communiste français (PCF) depuis 1932, et en est le secrétaire général depuis 1936. À 50 ans, son pouvoir sur le parti et son prestige auprès des militants sont à leur apogée. Il faut dire que, sous son mandat, le PCF est devenu une organisation de masse : aux élections législatives de 1946, il a décroché un tiers de sièges de l’Assemblée nationale. Jusqu’en 1947, il a aussi « placé » plusieurs ministres dans les gouvernements de la jeune IVe République. Maurice Thorez, a même failli être président du conseil.

Sa popularité est entretenue par un culte de la personnalité voulu et organisé par le parti sous l’impulsion de l’URSS. « Son autobiographie, Fils du peuple, parue en 1937, a construit l’image d’un individu dans lequel les militants peuvent se reconnaître parce qu’ils viennent du même milieu, et trouver un modèle à suivre, la perfection de l’homme communiste », explique Stéphane Sirot (1), spécialiste du mouvement ouvrier français. « Tous les partis communistes mondiaux ont cherché à s’incarner à travers des personnalités exemplaires », rappelle-t-il. Après la guerre, ce culte gagne en intensité, à l’image de celui construit autour de Staline. Le 28 avril 1950 est son point d’orgue.

Cadeaux utiles, cadeaux symboliques

Les cadeaux rassemblés à la mairie d’Ivry en sont le témoignage le plus flagrant. Ils sont présentés sur un dressoir en forme de bateau dont la proue est ornée d’une inscription inspirée par Victor Hugo : « Vers un avenir d’humanité, de liberté, de fraternité, de paix, il va ce glorieux navire. » Organisateur de l’événement, Jean Chaintron les décrit dans ses mémoires (2). Certains sont destinés au plaisir du secrétaire général et de sa famille. Grand lecteur et bibliophile, Thorez reçoit des livres, une encyclopédie de Diderot, des œuvres de Goethe, Voltaire, un recueil de dessins de Picasso et des poèmes de Paul Éluard, des autographes de Marx, Jaurès, etc. Pour sa maison, les militants offrent des vases, lampes, broderies. À ses trois enfants, ils envoient des jouets, des ballons, une trottinette, un vélo, une table de ping-pong.

 

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Publié par Jérôme Hoff  le 20 Avril 2015
 
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