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13e Oeil - ENQUETE | Malaise au foyer de travailleurs migrants

 

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Le 13e arrondissement compte le plus grand nombre de foyers de travailleurs migrants à Paris. Longtemps délaissés par les pouvoirs publics, ils sont désormais en cours de rénovation. Pour le foyer Chevaleret, le plus grand d’entre eux et l’un des plus délabrés, la réhabilitation est encore lointaine. Les résidents dénoncent leurs conditions de vie tandis qu’Adoma, le gestionnaire, engage des procédures d’expulsion. Une façon de vider les lieux pour en faciliter la reconstruction ?

 

Il nous a bien fallu choisir parmi les neuf foyers de travailleurs migrants que compte l’arrondissement. En guise de fil rouge, nous nous sommes donc arrêtés sur le foyer du 95 de la rue du Chevaleret, autrement appelé Léopold Sédar Senghor. Avec ses huit étages, ses 156 chambres et ses 435 résidents « officiels », c’est un immense dormitorium complètement décati situé à la frange de la ZAC Rive-Gauche. Sa rénovation est dans les tuyaux - l’urgence est grande -, mais ne devrait pas avoir lieu avant de longues années.

Si la question des foyers et de leur rénovation est d’une belle complexité, Senghor n’est pas le cas le plus simple. La sur-occupation y est importante et le cadre de vie exécrable. Depuis leur édification en 1969, les lieux se sont largement dégradés.

À l’intérieur, c’est un monde à part, tout droit importé de l’Afrique sahélienne dont est originaire une vaste majorité des résidents. C’est ce monde que nous avons voulu pénétrer pour saisir les implications d’une réalité méconnue.


Le foyer des Africains

Nombreux sont les hommes portant chasuble vert fluo des services de propreté de la Ville à aller et venir devant le bâtiment terne et grillagé. La valse des camions d’éboueurs ou des véhicules de nettoyage venus récupérer ou déposer un « travailleur » est incessante. Où l’on se fait cette réflexion : combien sont-ils à Paris, ces immigrés venus nettoyer nos belles rues tout en dormant dans une piaule indigne ?

Rien n’est simple pourtant. Notre premier contact aura été M. Traoré, éboueur dans le 13e le matin, en banlieue le soir. En l’écoutant, lui qui réside là depuis plus de dix ans, on saisit que le foyer est une solution commode. Il a une voiture, des papiers en règle, habitait auparavant un appartement. S’il se satisfait à présent d’un lit en foyer, c’est qu’il ne lui coûte que 233 euros par mois, ce qui lui permet d’envoyer une bonne part de ses revenus à la famille restée au pays. C’est aussi pour profiter de la solidarité de la communauté malienne à laquelle il appartient. À Senghor, les Sénégalais et Maliens sont les plus nombreux, suivis des Gambiens, des Mauritaniens, des Guinéens et Camerounais. À la marge, les Asiatiques et les Maghrébins complètent ce panorama d’une douzaine de nationalités.

M. Traoré, pudique et doté d’un sens certain de la hiérarchie, ne nous fera pas entrer dans sa chambre. Il préfèrera nous orienter vers le président du Comité des résidents fraîchement élu. Voilà qui tombe bien, Adama Konaté a « des choses à dire ». Rendez-vous est pris dans sa chambre, la 114, au 6e étage de l’immeuble.

 

Une sur-occupation inquiétante

Depuis le hall ouvert à tous les passages, nous serons dirigés vers cet homme avec beaucoup d’aménité. Ici et là, on se chambre à propos de la situation politique au Mali. Un jeune homme veut bien nous guider. Sur le chemin, il est taquiné par un copain : « Te voilà, terroriste malien ! » C’est que notre guide ne réside pas ici, il vient profiter de la salle de prière musulmane (1). Les ascenseurs fonctionnent mal, nous empruntons les escaliers. À chaque étage, des hommes installés à même le sol vendent des portables et autres accessoires électroniques. Leur présence nous évoque cette opération coup de poing de juin 2010, quand 200 policiers ont débarqué dans le foyer pour appréhender 40 revendeurs de tours Eiffel souvenirs (2). La méthode, brutale, a durablement choqué les résidents. Mais, en interne, les petits trafics n’ont jamais cessé.

 

[...]Lire la suite dans Le 13 du Mois #24

Publié par Jérémie Potée  le 11 Décembre 2012
 

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