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DOSSIER | La psychiatrie dans le giron de la scientologie

 

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Les abus psychiatriques et la surconsommation de psychotropes sont le cheval de bataille de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH). La cause semble vertueuse, sinon consensuelle. Pourtant, cette association est liée à la nébuleuse scientologue. Que faut-il alors contempler : ce que le sage désigne ou, tel l’imbécile du proverbe, le seul doigt qui montre ? L ‘ennui, c’est que le doigt est voyant et le message ambigu. Enquête.

 

Sur la place de la Bastille, un samedi de mars, trois militants en parka rouge prennent leurs quartiers, brochures à la main. Ce jour-là, ils sensibilisent le passant aux diagnostics abusifs d’hyperactivité chez les enfants. Le mois précédent, sur la place d’Italie, ils étaient venus dénoncer la consommation abusive des psychotropes en milieu carcéral. C’est à ce rythme mensuel que les bénévoles de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme (CCDH) se retrouvent sur l’une ou l’autre grande place au nom de la lutte contre les abus en psychiatrie. Pour cause, leur siège social, au 5 de la discrète rue Jules César, aux abords du bassin de l’Arsenal, est à mi-chemin de ces lieux attrape-foule. Au 7 de la même rue se situe l’une des deux églises que compte la scientologie parisienne.


Créée par la scientologie, mais « indépendante »

La CCDH ne s’en cache qu’à moitié : leur mouvement a bel et bien été créé par l’Église de scientologie en 1969, aux États-Unis. Cette information figure sur leur site Internet et leur matériel promotionnel, pour qui a le goût des clics multiples et des mentions en petits caractères.

Voilà une petite dizaine d’années que l’association, qui existe en France depuis 1974, connaît un regain d’activisme dans le pays. Elle y édite brochures et vidéos, use des voies légales à l’encontre des hôpitaux psychiatriques au nom de la liberté d’accès aux documents administratifs, manifeste à Paris, Lyon, Clermont-Ferrand, Nice ou Marseille, où elle est également implantée. Nombreux sont les articles de la presse régionale qui relatent leur passage, convaincus des bonnes intentions d’une association à la dénomination si respectable.

Coralie Gamet est l’une des bénévoles de la CCDH. À 22 ans, elle en est même la porte-parole nationale, poste qu’elle assume à mi-temps quand elle n’est pas occupée par son job de commerciale. Le discours est rodé : la CCDH est indépendante, n’a rien à voir avec les scientologues, ne se préoccupe que de la cause des victimes de la psychiatrie. Est-elle elle-même scientologue ? Oui. Mais, une fois encore, cela n’aurait rien à voir. Selon cette toute jeune femme qui s’attelle à sa tâche de communicante avec une maturité frappante, si « certains sont scientologues, la plupart de nos adhérents ne le sont pas. » Et d’en appeler à la liberté de culte de ses membres, comme si le fait d’être scientologue était anodin. Or, à la différence des États-Unis où le mouvement est un culte religieux reconnu, la France n’a pas le mouvement en odeur de sainteté, loin s’en faut.

 

Un brin de religion en psychiatrie

L’ambiguïté dans le discours de la jeune femme ne naît pas de ce qu’elle sait, mais de ce qu’elle dit ne pas savoir. Que les deux organismes soient ou non intriqués, il y a quelque curiosité pour cette scientologue à se retrouver à porter la bonne parole de la CCDH quand on connaît les préceptes de son culte. Nous lui demandons ce que les scientologues préconisent en matière de santé mentale. Elle dit « n’avoir pas suffisamment étudié le sujet pour pouvoir répondre » avant de se réfugier derrière « l’indépendance totale » de la CCDH, au nom de laquelle elle s’exprime. Dans le « Credo de l’Église de Scientologie », l’équivalent du « Je vous salue Marie » catholique griffonné de la main de Ron Hubbard himself, il est pourtant inscrit que « l’étude du mental et la guérison des maladies d’origine mentale ne devraient pas être séparées de la religion, ni tolérées dans les domaines non religieux ». Il est peu crédible que cette scientologue « encartée » depuis son adolescence l’ignore.

 

[...]La suite dans Le 13 du Mois #28

Publié par Jérémie Potée  le 15 Avril 2013
 

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