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PORTRAIT | Louis Puybasset

 

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Le cerveau en ébullition

 

Il dirige le service de neuroréanimation chirurgicale de la Pitié-Salpêtrière depuis quinze ans. Confronté à la mort au quotidien, Louis Puybasset a pris part au projet de loi actuel sur la fin de vie, avec une position clairement anti-euthanasie. La vie à tout prix ? Rencontre.

Les jambes allongées sur une chaise, Louis Puybasset s'accorde une pause furtive dans son bureau avant que son cerveau n'entre à nouveau en ébullition. Sur son ordinateur s'affichent des dizaines de fichiers de patients dans le coma, dont il suit l'état en temps réel, mais il en manque un. « J'ai paumé un malade, je deviens fou », lance-t-il à un collègue au téléphone, avant de retrouver le dossier en question quelques minutes après. Un instantané finalement banal dans la vie de celui qui dirige l'unité de neuroréanimation chirurgicale de la Pitié-Salpêtrière depuis quinze ans.

 

« Il a cette capacité à pouvoir faire plusieurs choses à la fois, et en plus à les faire bien. Quand je me compare à lui, je n'ai pas un dixième de ses capacités », décrit Lamine Abdennour, médecin anesthésiste-réanimateur qui a connu Louis Puybasset il y a plus de vingt ans, alors que ce dernier était encore interne. À cette époque, il a beaucoup travaillé sur les poumons, avant d'en venir au cerveau. « Tout était à faire sur cet organe, un champ d'investigation extrêmement large s'ouvrait à lui. C'est la notion de défi qui l'a stimulé », rapporte son collègue et ami. « C'est un acharné de travail, il a une pugnacité incroyable. Mais il faut le suivre ! Moi j'y arrive parce que je suis jeune ! », renchérit Lionel Velly, du service de réanimation de La Timone, à Marseille. Ce dernier a pris congé de son poste pendant un an pour travailler sur un projet initié en 2007 par Louis Puybasset : un outil statistique permettant de savoir dans quel état sera un patient s'il sort du coma.

 

De meilleurs pronostics pour une meilleure fin de vie

En pratique, il s'agit de mettre en parallèle les IRM de patients dans le coma avec des normes biologiques établies à partir de sujets témoins. En comparant les résultats à ceux de patients ayant les mêmes lésions, les médecins peuvent alors établir un diagnostic et un pronostic beaucoup plus précis que ce n'était le cas auparavant. « On mesure l'état des faisceaux de fibres de la matière blanche du cerveau avec un code couleur pour analyser la qualité des neurones. Plus c'est bleu, plus c'est grave », décrit Louis Puybasset. Il ouvre un fichier sur son ordinateur, montrant une IRM : « Là c'est un sujet très malade, après un arrêt cardiaque. » Le bleu domine. « Il a un cerveau très abîmé, il n'a aucune chance. Il est impossible qu'il se réveille. » Le médecin ouvre le fichier d'un autre patient qui a subi un traumatisme crânien : « Ici, on a peu de régions abîmées, il a un bon pronostic. »

Au total, plus de 700 patients de 35 centres européens sont enregistrés dans la banque de données, gérée à présent par une quinzaine de personnes, ingénieurs et médecins. Tout transite par l'ordinateur de Louis Puybasset, qui centralise les fichiers. La finalité : faire des choix moins arbitraires dans l'arrêt, ou non, des traitements, et éviter à tout prix de se retrouver avec des patients végétatifs, comme le désormais médiatique Vincent Lambert. « Il y a des malades pour qui on arrête les traitements trop tôt, et parfois on continue alors que ça n'a pas de sens. » Dans 90% des cas, les familles lui font confiance, « sauf certaines personnes très croyantes qui pensent qu'on va guérir le cerveau de leur fils en priant », regrette celui qui affiche une icône chrétienne dans son bureau. « Mais ici, on laisse sa foi au vestiaire. »

 

[...] Ce portrait est à découvrir dans Le 13 du Mois #51

 

Par Rozenn Le Carboulec

Publié par Rozenn Le Carboulec  le 06 Mai 2015
 

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