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DOSSIER | HIDALGO-NKM : le match

 

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Moins médiatique et médiatisé que les 14e et 15e arrondissements, où se présentent NKM et Anne Hidalgo, le 13e symbolise pourtant à merveille l’axe de campagne des deux poids lourds de l’UMP et du PS dans leur (re)conquête de la Mairie de Paris. Cet arrondissement aux multiples identités est celui de cette « classe moyenne » que Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo courtisent à longueur de prises de parole publiques, de rencontres avec les habitants et d’interviews dans les médias écrits et parlés. C’est encore le cas, ici, dans ces deux longs entretiens presque croisés que vous propose Le 13 du Mois. Mais si la « cible électorale » semble la même, la hiérarchie des thèmes et les solutions apportées est diamétralemente opposée. Pour la candidate de l’UMP, le 13 serait un arrondissement « délaissé par l’actuelle majorité » depuis la chute de l’équipe Toubon en 2001 et ce, notamment, en matière de sécurité. Elle pointe aussi la prédominance des logements sociaux qui supplanterait, toujours selon elle, les logements intermédiaires dans l’arrondissement. Quant à la candidate socialiste, le 13e représenterait, au contraire, l’exemple même de la réussite des deux dernières mandatures Delanoë dans cette volonté d’un « renouveau urbain », économique et culturel qui prendrait justement en compte cette « proximité renforcée », garante de la mixité sociale parisienne. Des paroles qui précèdent les actes. Dans l’entre-deux, à vous de juger.


 


 

"Le 13 est  un arrondissement  délaissé par la majorité en place"

Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP-UDI et MoDem à la Mairie de Paris

 

À trois mois des municipales, la candidate de l’UMP assure que la droite va partir en ordre de marche dans le 13e et esquisse ses objectifs, notamment en matière de sécurité et de logement.

 

Le 13 du Mois : Votre première sortie politique en tant que candidate à la Mairie de Paris a eu lieu en février 2013 lors du défilé du Nouvel an chinois. Dans ce 13e que la droite semble avoir des difficultés à appréhender depuis la défaite de Jacques Toubon à la Mairie d’arrondissement en 2001...

Nathalie Kosciusko-Morizet : Je pense, au contraire, que le 13e fait partie de ces arrondissements dans lesquels il peut se passer des choses fortes, de ces arrondissements qui vont avoir de la présence dans cette campagne. Mais je n’aime pas cette idée de classement, entre ceux où il y aurait des enjeux et ceux où il n’y en aurait pas. Ma philosophie, c’est qu’il y a des enjeux partout. Avec des arrondissements qui nous sont acquis - et où j’aimerais avoir plus de conseillers de Paris - et d’autres où cela sera plus difficile, mais pas impossible.

Le 13e, sans aucun doute, fait partie des arrondissements dans lesquels il y a une réelle attente. Je ressens, quand je suis sur le terrain avec nos équipes, que les habitants ont le sentiment de ne pas être au centre des préoccupations de la municipalité sortante. Clairement, ils nous disent avoir l’impression de ne pas être au cœur des enjeux, au cœur des développements, au cœur des perspectives, au cœur des espérances de la Ville de Paris.

Et en même temps, le 13e est l’un des arrondissements que vous avez dit « vouloir réserver à l’Alternative [alliance entre le MoDem et l’UDI, ndlr] ». Où en êtes-vous de ces pourparlers ?

Depuis le début, j’ai dit que je souhaitais mener des listes unies dès le premier tour, en rassemblant tous ceux qui veulent le progrès à Paris. Ce sont des discussions qui sont en cours. Vous le savez bien, en politique rien n’est acquis tant que les accords ne sont pas conclus. [Jeudi 5 décembre la candidate a officialisé cette alliance entre l'UMP et les partis du centre, en proposant des « listes de rassemblement dans l'ensemble des arrondissements ». Au moment du bouclage, rien n'était encore décidé concernant le 13e, ndlr.]

Vous voulez dire qu’entre Fadila Mehal [tête de liste MoDem lors des législatives de 2012] ou Edith Gallois [actuelle conseillère de Paris du 13e pour l’UDI], votre choix n’est pas encore arrêté ?

Non, simplement parce que je veux donner sa chance au rassemblement. Mais ce n’est pas pour cela que nous sommes absents de l’arrondissement. Nous avons, par exemple, Patrick Trémège qui fait toujours un gros travail de terrain. Anne-Sophie Souhaité [candidate UMP sur la 9e circonscription lors des législatives de 2012, ndlr] qui est notre chef de file. Ou encore Jean-Baptiste Olivier, jeune conseiller d’arrondissement. Il y a aussi la communauté asiatique qui se prépare et qui aura certainement des candidats sur nos listes. Nous plaçons le 13e dans notre objectif de renouvellement des personnels politiques. C’est un arrondissement où l’on fait monter une nouvelle génération en lui proposant de nouvelles perspectives.

On a quand même l’impression que, depuis douze ans, l’UMP ne  s’est pas trop préoccupée du 13e ?

Le 13e est un arrondissement qui est surtout délaissé par la gauche, qui y est majoritaire. Pouvez-vous seulement me citer un seul des grands investissements menés par la municipalité sortante, lors des deux derniers mandats ? À part le boulevard Saint-Marcel, qui est diversement apprécié, vous en conviendrez. Je le répète, ce qui ressort de nos différentes actions dans le 13e, c’est ce sentiment qu’ont les habitants d’être à la périphérie des préoccupations de la municipalité sortante. Ma réponse à cela, c’est de proposer une alternative et un rassemblement qui portent en eux la possibilité de donner une nouvelle espérance face à une situation dans laquelle les habitants du 13e se sentent abandonnés.

L’une de vos priorités, justement, c’est la sécurité avec, notamment, le renforcement de la vidéosurveillance. Or, quand on parle avec les habitants de la dalle des Olympiades, ils en appellent plutôt au maintien des services publics, à l’embauche d’animateurs de quartier. Installer des caméras en ville, est-ce vraiment la solution ?

C’est un outil dans une palette d’outils. Aujourd’hui, dans le 13e arrondissement, les problèmes de sécurité sont avérés et quotidiens. Par exemple, si vous regardez le classement des stations de métro et de RER considérées comme les plus dangereuses de Paris, de mémoire il y en a deux sur le 13e – Austerlitz pour le RER et la ligne 5 place d’Italie pour le métro - pour quinze en tout sur Paris. Pour s’en rendre compte, il suffit d’aller aux sorties du métro  ou d’assister à des cafés politiques et constater que cette question de la sécurité dans le 13e arrive très vite dans les discussions. Est-ce que les caméras sont la seule réponse ? Non, certainement pas. Mais la municipalité sortante n’arrête pas de fuir le sujet et ce,depuissesdeuxmandats.Ainsi,aujourd’hui[mardi3décembre, ndlr], seulement trois mois avant les élections, la municipalité nous dit enfin : « Il y a un problème et je vais m’en occuper ». Eh bien, moi je dis que ce n’est pas crédible. On n’a pas le droit de traiter un sujet aussi angoissant et aussi sérieux que la sécurité avec autant de légèreté.

C’est d’ailleurs un sujet tellement important que j’en réclame les compétences légales auprès de la Préfecture de police et demande à ce que l’on puisse changer la loi pour pouvoir créer une police municipale à Paris. En attendant, on peut créer une police de quartier, on peut réinvestir dans la vidéo-protection. On peut également agir au quotidien par l’instauration d’un certain nombre de mesures réglementaires comme la remise en vigueur  des arrêtés anti-mendicité agressive. Aucun de ces outils n’est en lui-même la solution à tous ces problèmes, mais chacun d’entre eux y participe. Non pas parce que la sécurité est une fin en soi mais parce que c’est le début de tout.

Autre axe parmi vos sept propositions, le logement. Dans le 13e, Patrick Trémège nous a dit que « trop de logement social tuait le logement tout court » ; Anne-Sophie Souhaité a complété en se disant favorable à « un moratoire sur l’octroi de logement aux seules personnes les plus fragilisées » ; ce à quoi vous avez ajouté qu’il fallait en finir avec le système du « trop aidé ou trop aisé ». Quelle est clairement votre politique en matière de logement ?

Remettre l’accent sur le logement intermédiaire. Aujourd’hui, à Paris, on a un problème de mixité qui va croissant et qui se matérialise par l’exclusion des classes moyennes. Pour un jeune couple, dont les deux personnes travaillent et gagnent à elles  deux entre 4000 et 4500 euros, c’est compliqué de se loger. Dans le public, où il ne sera pas facilement attributaire aux commissions de logement social qui tendent plus vers les « très aidés ». Dans le privé, où si l’on peut trouver petit à deux, avec un enfant ça commence vraiment à devenir très compliqué. Or, ces sont ces couples qui font l’activité à Paris. Ce sont eux qui font la vie de Paris. À les exclure comme ça, la ville va finir par changer de nature. Elle va perdre de son sens. Donc, moi, je propose clairement une politique qui donne la priorité à ces gens-là. Une politique en rupture avec ce qui s’est fait jusqu’à présent.

En matière de logement et plus particulièrement de logement social, l’actuelle politique ne consiste qu’à faire du chiffre. Et, pour faire ce chiffre, la majorité a tout misé sur la préemption, sur l’achat très cher de logements et d’immeubles au cœur de Paris. Des logements traditionnellement attribués à la classe moyenne qu’elle a rebasculé en logement social. Cela a coûté 1 milliard au cours des deux mandats ! C’est de l’argent qui n’a pas été utilisé pour maintenir la classe moyenne à Paris. Je propose donc qu’on inverse complètement les priorités et je m’oppose fermement à l’objectif de Mme Hidalgo d’atteindre les 30% de logement social d’ici à 2030.

Concrètement, comment allez-vous faire pour faciliter l’accès à la propriété de ces primo-accédants ?

D’abord, il faut savoir qu’il reste du foncier de disponible, comme à Saint-Paul ou à Bercy-Charenton. Ensuite, ce que je propose de faire a déjà été expérimenté à Ivry-sur-Seine, Issy-les-Moulineaux, ou encore Nanterre. Des communes de différentes tendances politiques qui ont choisi de réserver aux primo-accédants une part de l’ordre de 20% des nouveaux logements à un prix inférieur de 25% à celui du marché. Cela se fait par négociations avec le promoteur auquel la Ville vend le terrain et ces 20% sont réservés à des jeunes couples habitant la ville. Ce qui leur permet, en devenant propriétaires, d’avoir des perspectives dans leur environnement quotidien. C’est ça la mixité sociale. C’est cet équilibre qui, aujourd’hui, est en passe d’être rompu par la fuite des classes moyennes de Paris.

 

Et pour ceux qui ne peuvent pas être propriétaires ?

Il faut repenser les questions de critères d’attribution des logements sociaux pour éviter de déséquilibrer l’ensemble de la cité. Sinon, on en arrive à ce qui s’est passé avec les HBM [Habitation à bon marché, ndlr]. Leur vocation initiale était de loger des personnes qui travaillaient à Paris mais qui n’avaient pas les moyens de se loger dans le privé. Je pense notamment à toutes ces personnes qui mènent des missions de service public comme les policiers, les infirmières ou les enseignants du primaire et de la maternelle... C’est compliqué pour eux de se loger à Paris. Or, je trouve que ça pose un vrai problème que les enseignants ne puissent pas avoir une forme de priorité sur des logements sociaux à Paris. Je trouve que ça pose un problème qu’ils soient logés, pour certains, à 25 km du lieu où ils travaillent. Cela ne me semble pas aller dans le sens ni d’un meilleur équilibre de leur vie personnelle ni d'une meilleure organisation des écoles qui les emploient.

On peut aussi objecter que, par ce discours, vous voulez faire oublier le passé de la droite parisienne, notamment dans sa gestion des offices HLM...

Il y a eu à droite des ambiguïtés sur cette question et je veux rompre avec ces pratiques. Je le redis donc clairement : pour moi, un conseiller de Paris ne peut pas être, ne doit pas être logé dans un appartement de la Ville.

C’est pour cela que vous avez demandé à Mme Gallois de quitter son logement social pour trouver un autre appartement dans le 13e [même si elle a, entre temps, annoncé avoir pris cette décision d’elle- même, ndlr] ?

Je l’ai dit très clairement, un conseiller de Paris ne peut pas être, ne doit pas être logé dans un appartement de la Ville.

Restons dans le 13e, avec ce lieu symbolique qu’est la Halle Freyssinet. Ce projet vous paraît-il porteur et est-il synonyme du dynamisme retrouvé de l’arrondissement ?

D’abord, je trouve que c’est un projet intéressant et j’ai eu l’occasion de l’évoquer avec Xavier Niel. Avec ce projet, il veut rendre à ce secteur qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui une partie de ce qu’il lui a donné [Xavier Niel est notamment le  patron de l’opérateur de téléphonie mobile Free et a injecté 150 millions de fonds propres dans ce projet, ndlr]. C’est, en revanche, un peu orthogonal avec la politique de la Ville qui s’est, jusque-là, contentée d’accompagner la multiplication des pépinières sur la seule base d’attribution de mètres carrés en-dessous du prix du marché. Ce qui a son intérêt, mais qui est insuffisant au regard des besoins  de ses start-up. L’intérêt du projet de Xavier Niel, c’est justement qu’on soit à la fois dans l’entraide à ces services et dans une forme d’accompagnement différente.

Vous annoncez, si vous êtes élue, que la Ville doublera chaque euro qui sera investi par les Business Angels dans une PME ou une start-up parisienne. Faut-il, selon vous, que les pouvoirs publics s’engagent auprès des acteurs privés pour que de tels projets voient le jour ?

On ne peut pas se contenter de grandes déclarations du genre : « Paris doit être la ville des start-up. » Pendant que la municipalité sortante tient ce discours, des parlementaires de leur camp ont voté cette taxe ayant contribué à un vaste mouvement d’émigration des start-up vers Londres. Quelle est la cohérence ?

Autre enjeu de l’arrondissement, le monde de la nuit. La question concerne, depuis des années, la Butte-aux-Cailles et, plus récemment, les péniches du Quai de la Gare. Selon vous, Paris peut-elle à la fois défendre le visage de la fête et celui de la bonne entente entre bars et riverains ?

Bien sûr. Si je devais faire une comparaison, je dirais que le 13e a tous les atouts pour être le nouveau Berlin, parce qu’il y a de la jeunesse, de l’espace et parce que c’est encore moins cher que dans d’autres arrondissements. Le 13e a vocation à être un lieu d’innovation, de création, de développement. Mais il faut que cet esprit s’inscrive également à la marge des territoires. Je propose, par exemple, que l’on réinvestisse les stations de métro fantômes et que l’on se lance à l’assaut des portes de la capitale. Cela s’inscrit dans l’histoire des mouvements culturels à Paris, comme autrefois l’investissement des quartiers en déshérence qu’étaient Montparnasse, Montmartre ou Belleville. Aujourd’hui, c’est au niveau des portes de Paris qu’il y a des mètres carrés à investir, des opportunités à créer via, notamment, cette idée de couverture du périphérique. Cela peut aussi se passer dans le 13e.

Couvrir le périphérique sur 1,4 km d’ici à 2020, c’est un autre de vos projets. N’est-ce pas tout simplement irréaliste ? D’autant que vous dites qu’il n’en coûtera pas un sou aux Parisiens...

Ce projet existait déjà et la Ville y a renoncé, car elle n’a pas fait le travail pour en valoriser le foncier. Lors des précédentes mandatures, trois projets tenaient la corde avec Les Lilas, Vanves et Champeret. Finalement, ils se sont occupés très tardivement des Lilas et de Vanves et ont tout bonnement renoncé à Champeret, perdant du même coup les millions d’euros de subventions prévus par l’État et la Région. Il y a, en fait, trois façons de couvrir le périphérique : la couverture légère qui permet de diminuer les nuisances sonores de 15 décibels ; la couverture intermédiaire qui permet d’aménager des équipements sportifs et des espaces verts et, enfin, la couverture lourde, avec des fondations profondes permettant de reconstruire par-dessus. Moi, je m’intéresse à la couverture intermédiaire qui coûterait entre 30 et 60 millions d’euros pour 200 mètres. Même si l’on table sur 60 millions, on peut la financer en requalifiant les espaces au bord du périphérique, aujourd’hui dégradés car bruyants et pollués, et les confier à des promoteurs immobiliers, alliant public et privé. Il existe au moins sept de ces portions à Paris, sur lesquelles on peut faire la bascule et financer à 100% la couverture du périph’.

Vous vous présentez dans le 14e, arrondissement socialiste depuis 2001, et face à une candidature dissidente à l’UMP menée par Marie- Claire Carrère-Gée. Êtes-vous confiante en vos chances ? Et pensez- vous que l’on puisse perdre à la mairie du 14e et être élue à la tête de la Ville ?

Je ne crois pas trop à ces calculs-là. La politique, ça n’est pas de l’arithmétique, c’est de la dynamique. Beaucoup d’arrondissements peuvent basculer. Et puis, j’ai toujours dit - et je suis parfois un peu têtue - que je ne venais pas à Paris pour me chercher une place. Le 14e, c’est un choix de passion, pas un choix de raison, donc je suis prête à prendre tous les risques. Bien sûr que j’aurais pu aller dans le 15e ou le 16e, dans des arrondissements faciles pour nous. Mais j’ai dit que j’irai dans un arrondissement qui aujourd’hui est à gauche. Il y en avait plusieurs possibles, mais le choix du 14e réside dans le croisement entre ce choix politique de prendre des risques et une préférence personnelle qui fait du 14e un arrondissement que j’aime, que je connais bien.

 


 

"Je veux créer un choc en matière de logement"

Anne Hidalgo, candidate de l’union PS-PCF  et Radicaux de gauche à la Mairie de Paris

 

À trois mois des municipales, la candidate socialiste – ou plutôt son équipe de campagne car, malgré nos demandes répétées, nous n’avons pu rencontrer Anne Hidalgo et lui poser de visu nos questions (lire l’encadré) – se livre à un tour d’horizon des réussites des deux mandatures Delanoë et revient sur les points forts de sa campagne, notamment en matière de logement.

 

Le 13 du Mois : Le 23 novembre, vous avez présenté vos têtes de listes sur l’esplanade de la BnF dans le 13e arrondissement. Vous aviez auparavant lancé votre campagne à Petit Bain. Pourquoi avoir choisi cet arrondissement et cet endroit ? Est-il, avec la Zac Paris Rive-Gauche toute proche, le symbole du renouveau urbain voulu par la Ville de Paris ?

 

Anne Hidalgo : J’aime particulièrement le 13e pour ce qu’il représente enmatièredebrassagescultureletsocial.C’estaussiunesynthèse intéressante de toutes les époques urbaines de Paris.

Les nouveaux quartiers, qu’il s’agisse de la Gare de Rungis ou de Paris Rive-Gauche, ont en effet une valeur, avec d’autres, de symbole du renouveau urbain de Paris, d’audace et de créativité architecturale. Ils se projettent dans l’avenir avec des projets emblématiques mais respectent en même temps le patrimoine industriel du passé, qu’il s’agisse des Grands Moulins, de la Halle aux farines ou des Frigos. Paris Rive-Gauche constitue aussi une référence urbaine quand on évoque « l’îlot ouvert » que Christian de Portzamparc a conçu pour le secteur Masséna. Ce renouveau urbain passe aussi par un nouveau rapport à la Seine, avec la reconquête des quais, les guinguettes, la piscine Joséphine-Baker ou Petit Bain, dont j’apprécie particulièrement le dynamisme multiculturel, la passerelle Simone- de-Beauvoir, à la fois prouesse technique et architecturale et espace à vivre. Les berges, c’est aussi une nouvelle manière d’appréhender la ville et d’expérimenter de nouveaux usages.

 

Justement, ce quartier ambitieux, Paris Rive-Gauche, qui se voulait le symbole de la « mixité urbaine et sociale » à Paris, peine à prendre vie près de vingt ans après son lancement. Comment l’expliquez-vous ?

Construire un nouveau quartier, cela prend du temps. Nous avons impulsé en 2001 et 2008 de nouvelles dynamiques et cela se concrétise. Ce n’est pas par hasard si l’expression « nouveau quartier latin » est souvent reprise aujourd’hui pour identifier ce quartier. C’est bien la mixité que nous avons développée qui permet cela : étudiants, salariés, habitants, familles se sont appropriés le quartier, les espaces publics, les équipements et jardins que nous avons livrés. C’est aussi un lieu de rendez-vous pour tous les Parisiens, avec le cinéma, les péniches, Docks en Seine... Cette dynamique urbaine va encore s’amplifier et notamment en matière de commerce de proximité, avec une offre renforcée dans les bâtiments récemment construits et avec l’arrivée de nouveaux habitants. Il est important également de souligner que ce projet crée des emplois et participe à l’attractivité de Paris. Les entreprises y trouvent un cadre de travail très recherché.

 

Parmi les élus du 13e arrondissement, Bruno Julliard était l’un des seuls à vous soutenir dès le début. Jean-Marie Le Guen et Jérôme Coumet étaient, eux, favorables à une primaire, avant de se ranger sur le tard à vos côtés. Plus récemment, les militants de la section locale du PC ont voté à 80% contre une alliance au premier tour avec le PS. Vous sentez-vous soutenue dans le 13e ?

C’est bien normal qu’il y ait du débat au sein d’une famille politique. Mais moi je suis une rassembleuse, une bâtisseuse. J’ai aujourd’hui une équipe soudée et je peux compter dans cette équipe sur Jean- Marie Le Guen et Jérôme Coumet. Ils ont par ailleurs apporté des propositions importantes que j’ai reprises. J’ai cette conviction profonde qu’on est toujours plus intelligents à plusieurs. C’est très important. Tous les talents sont mobilisés à gauche vers l’intérêt des Parisiens.

Le logement, préoccupation première des Parisiens, est l’axe prioritaire de votre campagne, avec l’annonce de 10 000 logements créésparan.Quelsmoyenspensez-vousmettreenplace,alorsque 70% des ménages parisiens sont éligibles au logement social ?

C’est pour moi la priorité des priorités. Mon objectif est bien de créer 10 000 logements par an, tant par des constructions nouvelles que, par exemple, la transformation des bureaux obsolètes en logements ou la remise sur le marché de logements vacants. Je veux en effet créer un choc en matière de logement et agir sur tous les leviers. Je travaille à l’élaboration d’un pacte avec les acteurs privés du logement pour qu’ils se mobilisent pour créer des logements intermédiaires destinés aux classes moyennes et les jeunes actifs. J’expérimenterai également la dissociation du foncier et du bâti. Il faut par ailleurs lever les obstacles à la location et ce sera possible par la création d’une agence « Multiloc » publique/privée qui pourra inciter les propriétaires-bailleurs et permettre plus facilement la colocation.

Sur son seul territoire, le 13e regroupe 33% de logements sociaux. Vous vous fixez pour Paris un objectif de 30% d’ici à 2030, mieux que les 25% établis par la récente loi Duflot. Est-ce sérieux de se projeter si loin ? Comment comptez-vous y parvenir sur un foncier déjà saturé ? Cette promesse est estimée entre 3,2 et 4,3 milliards d’euros, comment allez-vous la financer ?

D’abord il reste du foncier disponible, au-delà des 10% du territoire que nous avons d’ores et déjà engagés pour du logement social et du logement intermédiaire : des parcelles sous-occupées, des emprises publiques qui peuvent être reconverties. Il y a par exemple 200 000 m2 de bureaux obsolètes transformables en logement et encore des terrains ferroviaires, de l’AP-HP, ou de l’État. J’agirai aussi au travers du PLU [Plan local d’urbanisme, ndlr] pour faciliter et inciter à la mise en œuvre de cette politique. Je poursuivrai notre action en matière de logement social principalement là où il y a encore des rattrapages à faire, notamment par la préemption d’immeubles dans le diffus. Ces objectifs sont ambitieux mais crédibles et finançables, et ce sans augmenter les impôts des Parisiens, comme je m’y suis engagée.

Le 31 octobre dernier, Le Point révélait les conclusions d’un document interne émanant de la Direction du logement et de l’habitat. Celui-ci estimait que l’objectif même de 25% était « compliqué à atteindre »...

Je n’ai jamais dit que ce serait simple. Atteindre 20% de logements sociaux en 2014 n’a pas été facile, surtout avec l’opposition de la droite, mais l’objectif est atteint. C’est bien parce que l’enjeu est ambitieux que les outils à mobiliser doivent l’être tout autant. C’est une question de détermination, et la mienne est totale.

Votre adversaire, Nathalie Kosciusko-Morizet, remet en cause la réalité des 6 000 logements sociaux construits chaque année sous la dernière mandature de Bertrand Delanoë et vous accuse d’avoir « gaspillé » l’argent des Parisiens. Que lui répondez-vous ?

Remettre en cause la réalité des 6 000 logements sociaux n’est pas sérieux. Paris aura bien atteint réglementairement 20% de logements sociaux en 2014. Mais le fond reste bien que la droite parisienne est opposée au logement social. Nathalie Kosciusko- Morizet ne veut pas respecter la loi SRU [qui impose un taux de 20% de logement social dans le parc immobilier d’une ville, ndlr]. Avoir l’ambition de loger nos concitoyens, de permettre à des familles de rester à Paris, de sortir plus d’immeubles de l’insalubrité, de lutter contre les ventes à la découpe, ce n’est pas gaspiller l’argent des Parisiens confrontés à une crise du logement majeure.

Parmi les grandes priorités des mandatures Delanoë figure aussi la culture. La Ville de Paris a beaucoup investi dans des équipements culturels, au Centquatre ou au Louxor. Alors que l’ancien cinéma Le Grand Écran, place d’Italie, semble désintéresser la municipalité...

La dynamique culturelle dans le 13e est forte. Nous venons d’y livrer un magnifique conservatoire (voir page 9), le musée de l’Art ludique vient d’ouvrir dans le bâtiment de Dock en Seine, un nouveau théâtre a été livré rue du Chevaleret [en lieu et place du théâtre du Lierre déjà existant, ndlr]. L’arrondissement, grâce à l’impulsion de Jérôme Coumet, est aussi devenu une référence en matière de Street art et la Tour 13 a été un formidable succès. Petit Bain, le Batofar sont des lieux d’émergence culturelle, et j’en oublie. Quant à l’offre cinématographique, elle a fortement progressé. Au-delà de Paris Rive-Gauche, qui dispose de quatre nouvelles salles supplémentaires depuis quelques jours, sur les Gobelins, la Fondation Pathé est en chantier et les projets de modernisation des deux multiplexes sont engagés. Les investisseurs privés croient en cette dynamique. Le Grand Écran Italie doit s’inscrire dans celle-ci.

La candidate de l’UMP recentre le débat sur la question de la sécurité. Elle annonce notamment vouloir renforcer la vidéosurveillance ou lutter contre la mendicité agressive. Est-ce une manière, pour elle, de surfer sur un climat davantage national que parisien ? De votre côté, vous semblez vouloir vous dissocier de la politique gouvernementale, pourquoi ?

Je ne suis pas, pour ma part, dans des postures de stratégie de communication. Je souhaite que le gouvernement réussisse mais je suis là pour défendre l’intérêt des Parisiens et je continuerai à le faire. De même, pour la sécurité : c’est un droit pour tous. Ma priorité est d’abord de revoir à la hausse les effectifs de police. Paris a perdu 1 500 fonctionnaires de police entre 2010 et 2012 ! Nous avons travaillé avec Manuel Valls et ce dernier vient d’augmenter de plus de 300 policiers les effectifs parisiens. Les faits sont là : c’est la droite qui supprime les postes de policiers et c’est la gauche qui en remet dans nos rues pour assurer la tranquillité des Parisiens. Je veux également donner plus de moyens aux éducateurs de rue et aux centres sociaux dont les missions de prévention sont essentielles. Enfin, je veux généraliser les correspondants de nuit dans chaque arrondissement. Je veux une sécurité durable à Paris. Quant aux arrêtés anti-mendicité, ils ont montré leur inefficacité avec l’absence de recouvrement des amendes pour cause d’insolvabilité et des phénomènes de de quartiers. Le droit commun permet déjà aux policiers d’agir à l’encontre des personnes se livrant à la mendicité agressive, dans le cadre notamment des réquisitions délivrées par le parquet, beaucoup plus efficaces pour permettre des contrôles d’identité. L’enjeu, c’est plus de policiers sur l’espace public et depuis 2013 c’est le cas. Je suis pour une action concrète et durable : une réponse policière, une réponse pénale mais aussi une réponse sociale. Il ne faut pas stigmatiser des populations qui sont par ailleurs victimes de réseaux mafieux. Ce sont ces réseaux qu’il faut en priorité combattre.

Revenons au 13e, avec ce lieu symbolique qu’est la Halle Freyssinet pris en main par Xavier Niel pour en faire un grand incubateur. Faut-il désormais qu’un acteur privé s’engage auprès des collectivités pour que de tels projets voient le jour ? Car à l’inverse, le stade Charléty, propriété de la Ville de Paris, sonne bien creux depuis le départ du Stade français et du Paris FC.

Ce sont deux sujets bien différents. La Halle Freyssinet, c’est un formidable projet qui va transfigurer le quartier par l’arrivée de 1 000 start-up et apporter un rayonnement international puisque le site sera le plus grand incubateur d’entreprises au monde, dans un bâtiment-icône qui va faire l’objet d’une réhabilitation exemplaire. Bien sûr, la dynamique que nous avons créée en matière d’innovation, avec 100 000 m2 de pépinières et incubateurs à la fin de cette mandature, y compris dans le 13e avec BioPark, a contribué à susciter ce magnifique projet. C’est le rôle des acteurs privés d’entreprendre, de s’engager. Notre rôle est de créer les conditions de cette attractivité. Ces efforts payent.

En ce qui concerne Charléty, avec le retour du Stade Français et du Paris FC dans leurs enceintes historiques de Jean-Bouin et Déjerine, c’est vrai que cela peut donner un peu cette impression. Mais cela reste un lieu emblématique du sport parisien qui doit retrouver sa vocation sportive interdisciplinaire. Je pense par exemple au Paris université club, son club historique, mais aussi à l’athlétisme. Nous devrons travailler dans la durée à une nouvelle dynamique sportive, peut-être à l’échelle métropolitaine pour ce qui est de la recherche d’un club résident.

Le sud de l’arrondissement bénéficie d’un long tronçon découvert de la Petite ceinture qui pourrait être mis à la disposition des habitants. Vous avez organisé une concertation sur plusieurs mois... qui n’a débouché sur rien ! Quelle est votre ambition pour ce lieu ?

La Petite ceinture est partie prenante du patrimoine parisien. C’est aujourd’hui un espace de nature et de respiration, un site unique qu’il faut préserver et qui offre aussi la perspective de nouveaux espaces de découverte et de promenade. J’ai pris l’engagement que si je suis élue maire de Paris, il n’y ait pas de construction sur la Petite ceinture, y compris sur ses abords que la nature a conquis et dont la biodiversité doit être préservée.

La première phase de la concertation sur le devenir de la Petite ceinture a révélé l’intérêt des Parisiens pour ce site exceptionnel : 20 000 connexions au site participatif « La Petite ceinture : j’en parle », 2 400 contributions d’internautes, plus de 1 000 Parisiens et métropolitains présents aux réunions publiques.

Depuis, il ne s’est pas « rien passé » ! La Ville et RFF ont engagé cet automne une étude sur les « services écologiques » du site afin d’étudier finement son rôle de régulateur de la température, les îlots de fraîcheur, les enjeux de biodiversité. Il faut encore mettre en harmonie plusieurs logiques : qu’on puisse prévoir un accueil le plus large possible du public mais en veillant à ce que les équilibres écologiques qui auront pu se créer ne soient pas perturbés. Bien entendu, une nouvelle phase de concertation avec les Parisiens doit s’engager. Les maires d’arrondissements auront un rôle essentiel pour élaborer, séquence par séquence, les aménagements qui pourront être réalisés. En attendant, j’invite les Parisiens à découvrir le tronçon que nous avons déjà ouvert dans le 15e arrondissement qui est un lieu unique pour la promenade et la préservation de la biodiversité !

Le 15e, c’est l’arrondissement où vous êtes candidate, or vous n’êtes pas assurée de le gagner. Pourquoi insister dans cet arrondissement plutôt ancré à droite ? Êtes-vous confiante ? Ne pensez-vous pas que cela pose problème d’être élue maire de Paris sans remporter l’arrondissement dans lequel on se présente ?

On n’est jamais assuré de gagner une élection. Je me présente dans le 15e, tout simplement parce que j’y habite depuis plus de 20 ans, c’est là où j’ai fait ma vie. J’aurais pu me présenter dans un autre arrondissement. Mais ce n’est pas ma conception de la politique. Le 15e est un arrondissement à conquérir et je veux le conquérir.


 


 

 

—> LES VERROUILLAGES DE L’ENTOURAGE

En ces temps où la République fatigue, on va sûrement nous traiter de « démagos », de « pousse-au-crime », de « faire le jeu des extrêmes ». On a pourtant été patients, faisant mentir l’adage qu’un journaliste « exige toujours pour hier un rendez-vous qu’il n’est possible d’obtenir qu’à partir de demain ». Quand Anne Hidalgo officialise sa candidature en direct de Petit Bain en septembre 2012, nous contactons son service de presse pour savoir s’il est possible de la rencontrer et surtout quand. Un premier email est envoyé le 10 septembre 2012 à 17h. La réponse tombe dans l’heure : « Bonjour, je reviens tout prochainement vers vous, une fois que j’ai pu faire le point sur l’agenda d’Anne Hidalgo. Votre proposition est en effet intéressante et je vous en remercie. » Nous savons très bien que par « faire le point sur l’agenda », nous allons gentiment nous faire balader. Nous avons aussi conscience de ne pas être Paris Match, ni d’avoir l’humour fin et racé de Philippe Bouvard, qui l’a invitée et reçue à la table de ses Grosses Têtes le 19 novembre dernier.

Alors, mois après mois, nous relançons. Et, invariablement, on nous répond que « cela va vraiment être compliqué à mettre en place pour le prochain numéro, mais faisable pour le suivant ». Puis arrive 2013 et le lancement par le PS d’« Oser Paris », ces clubs militants et citoyens censés faire remonter propositions et doléances de chaque  arrondissement à la candidate. Ça tombe bien, ce sont justement sur ces réalités de terrain que nous voulons l’entretenir. Nous relançons de plus belle. Dans le vide. Jusqu’à l’automne où, de l’autre côté de l’échiquier politique, les choses se décantent rapidement. Nous ne sommes pas dupes : la candidate de l’UMP accumule les boulettes et se traîne dans les sondages. Pour elle, toute « communication » est bonne à prendre.

Forts de cette nouvelle donne - et avec l’appui d’élus socialistes du 13e dont le maire Jérôme Coumet -, nous rappelons le staff d’Anne Hidalgo, qui finit par nous proposer le procédé de l’interview par email. Nous le refusons, jusqu’à menacer de publier cinq pages blanches en lieu et place de l’entretien. Dans l’heure qui suit, le coup de fil final affirme que « notre position est excessive et que nous ne faisons pas preuve de bonne volonté en refusant l’option proposée ». Et voilà comment la communication politique et ses verrous l’ont emporté, réduisant les convictions d’une femme politique à un vulgaire tract de campagne. Contrôlant ainsi totalement la parole politique jusqu’à faire croire aux lecteurs - qui sont surtout des citoyens - que c’est Anne Hidalgo qui répond à nos questions alors qu’il s’agit bien des petites mains de son cabinet. Avec cette ultime interrogation : en un an et demi, a-t-elle seulement su que nous voulions la rencontrer ?

 

Publié par Pierre-Yves Bulteau & Philippe Schaller  le 12 Décembre 2013
 

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