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PORTRAIT | Yves Tenret

 

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OBJECTIF POSTÉRITÉ

On ne l’avait pas repéré avant. Pourtant il ne se cache pas, au contraire : Yves Tenret, auteur prolifique, ne cracherait pas sur une plus grande notoriété. Le coup de projecteur révèle non pas une plume insoupçonnée mais un être singulier, complexe et romanesque. Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, son polar, est sorti en mars.

Peut-on être une légende ignorée de tous ? Une légende sans apparat ni richesse ni pouvoir ? Hélas oui. Yves Tenret s’en désole. « J’intéresse personne », dit-il droit dans les yeux, qu’il a très bleus et féminins. D’ailleurs, la première pensée qu’on a eue en le voyant, lui accoudé au comptoir de son bistrot de quartier, nous passant la porte des Barreaux rue Barrault, c’est qu’il s’en était maquillé le contour... Question de profondeur.

Yves Tenret est l’auteur de Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, polar chroniqué dans nos pages le mois dernier et sorti le 12 mars aux éditions de la Différence. Peut-être un petit succès chez les amateurs du genre et les habitants du 13e. Pour les autres, il reste à se demander qui se cache derrière cet alcoolique déambulant de Walter Milkonian, viré par sa femme et par le lycée qui l’emploie. Ça sent le vécu à plein nez, si bien qu’on s’attend à rencontrer un drôle d’oiseau. Et cet oiseau a dit, le plus sérieusement du monde, vers le milieu de l’entretien, « Je me sens comme une légende vivante ». On pourra toujours pouffer, n’empêche que le ton de la confidence sincère, la gaucherie presque du bonhomme, rassurent. Son parcours est en effet celui de ces petites gens qui s’élèvent, poussés par le petit bonheur la chance et une violence intérieure qui enfonce les barrières.

Des quartiers chauds de Bruxelles à l’EHESS

Le gamin bruxellois grandit dans les internats de son pays. Le père est inconnu, la mère, qui bosse la nuit, l’éloigne. À la maison, quand il rentre, il a « des potes maquereaux, des potes truands... ». Son beau-père d’origine arménienne organise des tournois de poker clandestins. Une vraie ambiance de polar. Pas vraiment enrichissante, pourtant : « Ma mère lisait Ici Paris et France Dimanche et essayait de me convaincre que c’était la meilleure lecture du monde, raconte Yves Tenret, alors mon savoir a été plutôt un empêchant qu’un atout, dans ma vie. » Dans Maman et Fourt, deux de ses précédents romans, il évoque sa Belgique d’enfance, où il ne retourne plus depuis que sa mère est morte. D’ailleurs, dès qu’il en est parti, à la vingtaine, il n’a plus jamais été question de faire machine arrière. C’est son service militaire qui l’y arrache d’abord, mais suite à une tentative de suicide et un séjour en hôpital psychiatrique, il se mettra à voyager sans se poser trop de questions. Israël pour suivre une nana, Rome où il fume du haschisch, Abidjan pour vendre un peu de tout... Tenret finit par atterrir à Lausanne où, après un bac passé en candidat libre à Strasbourg, il entame des études d’histoire de l’art qui le mènent jusqu’à un doctorat à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, épaulé par nul autre que Pierre Bourdieu. Il aura ensuite été journaliste dans diverses revues en Suisse et en France avant d’accepter, il y a 25 ans, un poste de prof aux Beaux-Arts de Mulhouse, où il vit toujours une partie de la semaine. L’ascension sociale n’est pas allée sans son lot de tourments et de rechutes. « J’étais un petit voyou mythomane, une grande gueule, conte Tenret. Mais j’ai toujours rencontré des gens qui m’ont materné. Ils m’ont sauvé à des moments. »

 

[...] Lire la suite dans Le 13 du Mois #50

 

Publié par Virginie Tauzin  le 20 Avril 2015
 

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